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SOMMES-NOUS DEVENUS DE MEILLEURS MANAGERS POST COVID ?

Revue des Ingénieurs

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17/11/2020

Auteur : Laurent DUGAS (E 1982 ICiv)

Jamais le manager d’équipe n’a été autant sollicité dans un temps aussi court (hors contexte de guerre qui remonte à 1939).

Le manager a dû se gérer lui/elle, sa famille, ses proches… comme tout le monde. Il a dû aussi gérer en parallèle ses équipes sur un, deux, voire trois niveaux hiérarchiques. À titre personnel j’ai dû me soucier de 35 personnes, certes avec des relais, mais avec la responsabilité de me préoccuper de la situation de chacun. Et sans aucun temps de préparation : le manager a été jeté dans la piscine le 17 mars, sans bouée.

Il en sort certainement usé en profondeur mais aussi dynamisé et enrichi par ce qu’il a vécu, prêt sans doute à ajuster son “Monde managérial”.

Si l’intensité des sollicitations a été maximale, les différents rôles du manager (selon Mintzberg) n’ont pas été stimulés de la même façon au cours des différentes phases que nous avons vécues.

Le tableau ci-contre reprend le fil des événements et précise les compétences que le/la manager a dû mettre en œuvre à chaque étape. Ce parcours du combattant a permis de distinguer nettement les leaders des suiveurs, mais il répond imparfaitement à la question posée par la Revue des Mines : “Qu’est-ce qui différencie le Manager d’avant et celui d’après ? En quoi aurons-nous changé passé septembre 2020 ?”.

Elle pose en fait l’enjeu de la rémanence de la “déformation”, et donc de la transformation du manager. Pour caractériser cette transformation, je vous propose d’éviter les bonnes idées devenues des lieux communs à force de répétitions et d’oser ensemble l’aspérité franche, radicale.

4 SUJETS NOUVEAUX QUI VONT DURER

Je crois que 4 sujets nouveaux que j’ai vécus dans mon propre management – avec une certaine surprise

  • s’installeront durablement dans les préoccupations managériales.

La santé est l’irruption majeure dans l’échelle des grandeurs du manager. La santé physique, mais aussi la santé morale et psychologique de ses collaborateurs. Maladie, décès (rare heureusement), déprime, burn-out entre enfants, boulot, conjoint dans 60 m2, interrogation existentielle, désengagement social, etc. Ces sujets n’étaient pas au cœur de l’action du manager, ils le sont devenus. Ils le resteront et c’est une bonne chose.

La gestion du mix distance / présence physique. Gérer le tout digital s’est révélé facile. Gérer le tout physique était ce que nous faisions avant. Le mix se révèle très compliqué car il requiert une intelligence situationnelle rare : un mélange de grande rigueur pour fixer et faire respecter des règles du jeu collectif, et de grande sou- plesse pour s’adapter aux envies de chacun, en fonction de la maturité du collaborateur et de la nature des missions à mener. Pour réussir à piloter cela, au-delà des raccourcis “2 jours par semaine pour tous” (vous aurez les inconvénients des 2 systèmes), il faut s’être construit une verticalité très forte de ce qui est OK, pas OK, en vous décentrant de votre prisme personnel.

La reconnaissance narrative. Nous sommes un animal physique et au-delà d’un discours rationaliste, notre appréciation de la performance de la personne repose sur beaucoup d’éléments visuels, d’interactions informelles, de biais de représentation. Le télétravail réduit beaucoup ces éléments: il est difficile de “voir” ce que fait l’autre, avec qui et quand. Il permet aussi des stratégies de fuites conscientes ou non: se cacher est facile. Le manager doit gérer une mise en visibilité de ce qu’il fait pour ses collaborateurs et vers sa propre hiérarchie. Il doit aussi demander et décrypter une narration de son action par le collaborateur.

La décision rapide, sur son intime conviction. Du président de la République au plus humble manager chacun a dû décider vite, dans l’incertitude. C’est l’opposé de la culture managériale référente qui demande d’analyser, mesurer, tester. Cette approche historique bureaucratise toutes nos organisations, même les plus vertueuses à l’origine. Elle rend tout complexe, cher, mais rassure. Décider vite dans l’incertitude, cela ne veut pas dire déci- der n’importe comment, au gré du vent. Cela veut dire avoir le courage d’assumer une décision avec les moyens de l’instant, en sachant qu’il faudra être prêt à la changer, mais à chaque fois en gardant la verticalité de sa confiance en soi, humble.

Si vous constatez que ces sujets sont effectivement passés au premier rang de vos préoccupations, alors vous devez aligner le Monde managérial de votre organisation sur un Monde commun, sinon chacun ira à hue et à dia selon son ressenti. Vous avez peut-être dans vos équipes des adeptes de Carlos Tavares qui voient le télétravail comme un levier de productivité, et d’autres qui, comme Patrick Pouyanné, ont tendance à douter de l’engage- ment des personnes qu’ils ne voient pas.

Comment pouvez-vous faire ? Vous avez 4 questions à traiter :

  • Une clarification des performances attendues avec un ordre des priorités afin d’éviter les injonctions contradictoires. Profit, People, Planet ? OK, mais dans quel ordre?
  • Un ajustement des principes de reconnaissance de ces performances: par qui suis-je reconnu? Mon chef, mes pairs, mes collaborateurs, la société ?
  • Une rénovation des De manière triviale si je demande à mon équipe de venir au bureau, c’est pour interagir “chacun dans son coin, derrière sa vitre de confinement” ou bien en mode “brainstorm et team building” ?
  • Une refonte du mode de décision : quel degré de délégation avec plus de confiance? Avec quelle approche du contrôle et du reporting ?

Enfin, le Dirigeant se doit de profiter de la fenêtre de changement qu’a ouvert la crise Covid-19. Cette crise a provoqué un “dégel” de nos habitudes (au sens de Kurt Lewin). Comme me le confiait Isabelle Hébert, DG d’AG2R La Mondiale, “si on ne change pas maintenant, alors quand le ferons-nous ?” Bon prince, je vous donne jusqu’à la fin de l’année 2020.

 

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