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RÉNOVER AVEC (TECHNO-) DISCERNEMENT

Revue des Ingénieurs

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21/06/2022

Auteur : Philippe BIHOUIX


Mieux isoler les bâtiments anciens, à commencer par les “passoires thermiques”, tant dans le parc résidentiel que dans le parc tertiaire, est indéniablement nécessaire ; décarboner les sources de chaleur en substituant le fuel et le gaz aussi, naturellement. Pourtant, plusieurs signaux faibles pourraient nous faire douter de l’efficacité réelle et de notre capacité à mettre en œuvre un plan d’une telle ampleur à la vitesse suffisante – et compatible avec les enjeux climatiques , tandis que la montée en puissance “industrielle” du rythme de rénovations reste encore trop lente. D’où l’idée de réfléchir sur les usages de la chaleur et de rénover avec (techno-) discernement.

 LA RÉNOVATION, CLÉ DE VOÛTE DE LA LUTTE CLIMATIQUE

Instaurée par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) a défini une trajectoire qui doit permettre à la France de tenir ses engagements internationaux, en visant la neutralité carbone du pays d’ici 2050. Celle-ci prévoit1, pour le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire), une baisse de la consommation d’énergie de 40 % entre 2015 et 2050 (de 775 à 461 TWh2)

- soit une baisse de la consommation unitaire (par m2) un peu plus importante, compte tenu de la croissance attendue du patrimoine bâti)3. Le chauffage représente l’essentiel de la baisse4, grâce à un programme de rénovation thermique basé sur une montée en puissance du nombre annuel de “rénovations complètes équivalentes”5 dans le résidentiel (de 200 000 en 2020 à 500 000 en 2030, puis un million à partir de 2045, cf. Graph. 1), et une rénovation de 3 % du parc tertiaire par an sur la période ; la récente entrée en vigueur du “décrettertiaire” (objectif de 40 % de consommation en 2030 et 60 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2015) devant soutenir ce dernier objectif.

 Consensus de scénarios

Tous les récents scénarios de transition énergétique – sortis à l’automne 2021 – suivent, peu ou prou, cette trajectoire. Le gestionnaire de réseau électrique RTE table sur l’ensemble du parc au niveau BBC (bâtiment basse consommation) en 20506. L’ADEME, dans ses deux scénarios les plus ambitieux sur la baisse de consommation d’énergie, “génération frugale” et “coopérations territoriales”, vise 80 % de BBC au même horizon7. L’association négaWatt propose, de son côté, une trajectoire encore plus rapide, en passant de 33 000 logements par an rénovés au niveau BBC en 2020 à près de 800 000 dès avant 20308.

 Une trajectoire déjà en écart malgré l’envie affichée du secteur (chiffre d’affaires en perspective) et des pouvoirs publics (création d’emplois, soutien à l’économie locale, lutte contre la précarité énergétique, augmentation du pouvoir d’achat des ménages, etc.), la 

montée en puissance se fait attendre. Le premier budget carbone issu de la SNBC (période 2015-2018) a été dépassé de 11 % pour le secteur du bâtiment, ce qui a conduit à réviser les objectifs des périodes suivantes et à repousser de cinq ans au moins le premier “saut de performance” attendu (cf. Graph. 2) : “Les résultats nettement moins bons que prévu sur les secteurs des transports et des bâtiments sur la période 2015-2018 ont des causes structurelles qui ne pourront pas être entièrement corrigées ou compensées à l’horizon du deuxième budget carbone. […] Les difficultés rencontrées dans le domaine de la rénovation des bâtiments (rythme de rénovation inférieur et impact moins important que prévu) ont également été intégrées. Dans un souci de réalisme, cela conduit donc à réviser le niveau global du deuxième budget carbone ainsi que sa répartition sectorielle.”9

Graph. 1. Évolution du nombre de rénovations complètes équivalentes dans le résidentiel (en milliers) selon la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) 

 

 

La mise en œuvre n’a en effet rien d’évident. Du côté de la demande, il faut mobiliser les propriétaires et, encore plus dur, les assemblées de copropriétaires, aider à financer (crédits d’impôt, certificats d’économie d’énergie, dispositif MaPrimeRénov’…) ; du côté de l’offre, il faut des entreprises et des artisans formés en nombre suffisant, en évitant si possible les arnaques de type “isolez vos combles pour 1 €”. Multiplier par dix, vingt, au bas mot, la quantité de rénovations réalisées chaque année, reste un véritable défi industriel, sociétal et humain ; rien ne garantit, à date, que nous saurons réaliser cette prouesse, qu’il faudra mener parallèlement à bien d’autres programmes d’ampleur : déploiement des énergies renouvelables, relance du nucléaire sans doute, adaptation des réseaux de transport électriques, relocalisation d’une partie de la production “essentielle”, travaux d’adaptation au changement climatique dont le “coup” est déjà parti, évolution profonde des pratiques agricoles, sans compter la maintenance d’infrastructures vieillissantes, comme les ponts…

 QUELS GAINS RÉELS?

Plus encore que du rythme, la déception pourrait venir des gains réels obtenus par les opérations de rénovation. Ici il faut sans doute distinguer les rénovations consistant à mieux isoler (combles, façades, menuiseries, sols) et celles consistant à décarboner les sources de chaleur (passage du fuel au gaz naturel  peut-être dans le futur au biogaz ; passage au chauffage électrique, idéalement complété d’une installation de pompe à chaleur, ou de solaire thermique, selon les régions, etc.).

 Lent retour sur investissement (carbone)

La première question qui se pose est celle du retour sur investissement. D’un point de vue purement économique, entamer des travaux uniquement pour abaisser le “poids carbone” peut n’avoir aucun sens : les économies d’énergie engendrées ne remboursent que lentement, voire jamais, les coûts investis. Ceci rend donc l’approche réglementaire (obligations d’atteinte de performance) et les aides (aux particuliers voire à d’autres acteurs économiques) indispensables, auxquelles il faudra ajouter une évolution substantielle des conditions tarifaires (renchérissement des énergies fossiles par une taxe carbone). En pratique, l’amélioration des caractéristiques énergétiques et thermiques des bâtiments n’est souvent déclenchée qu’au moment d’une rénovation plus générale – ce qui explique peut-être la difficile montée en puissance actuelle. D’un point de vue carbone, le changement de système de chauffage permet a priori de “rembourser” l’investissement en quelques années, mais pour l’isolation, le résultat est plus bigarré, tant chaque isolant génère – ou stocke, au contraire – une quantité de carbone “gris”, selon qu’il est d’origine industrielle (laine de verre, de roche, polystyrène expansé, mousse de polyuréthane…) ou biosourcée (lin, chanvre, paille, laine de bois…). Dans les cas les plus défavorables, le retour sur investissement carbone peut atteindre deux décennies10. Même si les industriels réduisent leur empreinte carbone, la priorité devrait être mise sur les matériaux naturels. 

 

   

Efficacité de mise en œuvre douteuse

Obtenir d’excellents chiffres théoriques ne garantit pas que la réalité sera toujours à la hauteur. Un exemple avec la

“simple” ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux11, dont Claude Lefrançois, spécialiste en construction écologique12, fait la description grinçante : “Compte tenu de la complexité de la machine centrale, du réseau aéraulique, des caissonnages d’habillage en beaucoup plus grand nombre, de l’entretien nécessaire des gaines d’insufflation, du changement régulier des filtres et de la durée effective et réelle de vie de chacun des éléments, à commencer par la machine elle-même, ces systèmes, magnifiques sur le papier sur le plan de la consommation lors de l’exploitation, ne permettront jamais l’amortissement de l’énergie nécessaire à leur fabrication, leur transport, leur installation, leur entretien… […] Parmi d’autres oublis, il n’est jamais tenu compte des déplacements de tous ceux qui œuvrent à la mise en place du système: le spécialiste installateur du réseau général […] ; le plaquiste [] ; la visite nécessaire (au moins bisannuelle) d’entretien de ces machines (jamais ou quasiment jamais réalisée, ce qui entraîne de facto une baisse de rendement […]) ; le changement des filtres…” 13

Le déficit de maintenance dans le temps pourrait poser un vrai problème pour certains dispositifs techniques, par exemple les pompes à chaleur, contenant comme fluides frigorigènes des hydrofluorocarbures (HFC), puissants gaz à effet de serre, dont il faudrait logiquement éviter les fuites intempestives. D’une manière plus générale, la mise en œuvre de solutions toujours plus technologiques (capteurs, réglages automatiques, gestion technique des bâtiments), au détriment de solutions “passives” (ventilation et éclairage naturels, matériaux à inertie thermique…) ou “actives” (basé sur les actions des utilisateurs – comme le fait d’ouvrir une fenêtre pour aérer et ventiler), comporte aussi des risques : “enrichissement” des bâtiments en matières premières plus rares, dépendance aux chaînes de fabrication complexes et mondialisées, ou à des services externalisés, difficultés de recyclage des déchets électriques et électroniques14, et même consommations induites dans le système numérique global (pour la transmission, le stockage et le traitement des données) nécessaire en arrière-plan15. Plus nous “technologisons” nos bâtiments, plus nous piochons dans le stock limité de ressources, et plus nous nous éloignons de l’économie circulaire, accélérant la logique “extractiviste” actuelle.

Effet rebond

Enfin, l’isolation n’est pas la panacée; on commence à se rendre compte qu’une partie non négligeable de l’efficacité espérée, calculée par les techniciens, est perdue par “effet rebond”16, le fait que les habitants modifient leurs usages, ont tendance à augmenter la température dans leurs logements quand ces derniers sont mieux isolés.

La GdW, fédération allemande de sociétés immobilières représentant un parc d’environ 6 millions de logements, en faisait le constat à l’été 202017 : tandis que 340 milliards d’euros ont été investis dans la rénovation des années 2010 à 2018 incluses, la consommation énergétique moyenne est passée de 132 à… 130 kWh par m2 et par an. Même si ce constat glaçant est sans doute à relativiser, tous les bailleurs reconnaissent cet effet. Dans des bâtiments rénovés et mieux isolés, on commence par avoir moins froid… et une partie des gains théoriques ne se matérialise pas au vu des consommations réelles.

 VERS UNE RÉNOVATION “LOW-TECH”

Pour éviter ou minimiser tous ces effets indésirables, l’idée pourrait être d’adopter une démarche moins “industrielle” et normée, plus artisanale, peut-être plus rapide (et plus efficace qu’une “isolation à 1 €” pour tous dans l’ancien et des smart logements ultra-isolés dans le neuf), adaptée à la diversité des situations – habitat collectif ou individuel, type de construction et d’usages… – et impliquant plus fortement les habitants et les utilisateurs.

Cette démarche plus “low tech”, viserait à répondre aux besoins (le confort thermique) tout en les questionnant, à économiser l’énergie bien sûr mais aussi les ressources, à rechercher la sobriété à la source et définir le juste besoin avant l’efficacité des procédés et des technologies, à faire preuve de “techno-discernement” en faisant le tri pour n’utiliser les technologies – et les précieuses ressources qu’elles mobilisent – que là où elles sont indispensables, là où elles apportent un avantage indiscutable.

 Quel confort thermique?

Il ne s’agit pas de renoncer à tout “confort”, en revenant au temps des semelles chauffantes (avec compartiment pour les braises ou l’eau chaude…) que le chimiste Lavoisier portait dans son laboratoire glacial à la fin du XVIIIe siècle18. Mais tout est affaire de mesure: se promener en débardeur ou en chemise toute l’année, et dans toutes les pièces de son logement ou au bureau, quelle que soit la température extérieure, est une habitude coûteuse, dont le prix environnemental à payer, celui du changement climatique, exorbitant, nous apparaît désormais clairement.

Le confort thermique à l’intérieur des bâtiments n’est pas si ancien. Pendant longtemps, à quelques mètres de la cheminée, du poêle ou du fourneau de la cuisine, la température baisse vite. Pour les plus aisés, le chauffage central (au gaz de ville) apparaît dans la deuxième moitié du XIXe siècle :

“On a expliqué [l’] apparition [du manteau de fourrure] par la diffusion du chauffage central qui rend inutile le port de vêtements en flanelle et en laine à l’intérieur des maisons, mais incite à rechercher des vêtements chauds pour l’extérieur.” 19

Dans l’abondance énergétique des Trente Glorieuses, le confort se généralise, et la “température de consigne” monte, à la maison comme au bureau, pour atteindre aujourd’hui, typiquement, 22 ou 23°C. Réussir à baisser cette température serait un levier autrement plus efficace qu’isoler les bâtiments, extrêmement rapide et presque gratuit ; il est bien plus facile d’isoler les corps que d’isoler les murs et les toits ! Mais comme toute évolution de référentiel culturel, des habitudes, renverser la vapeur par rapport au cheminement – mortifère – des dernières décennies n’a rien d’évident.

Pourtant, les scénarios officiels évoquent bien, certes encore timidement, des comportements individuels plus “vertueux”. La SNBC, tout comme RTE (dans son scénario sobriété), mise sur une baisse volontaire de la température de chauffage d’1°C en moyenne à l’horizon 2050. Mais par rapport à quelle référence précise – tant les pratiques réelles des Français restent mal connues ? Et quelles actions publiques permettront d’atteindre cet objectif ? Mystère. Une piste pourrait être donnée par le Japon: après Fukushima – et la violente baisse de puissance électrique disponible qui a suivi l’accident, avec la mise à l’arrêt de toutes les centrales nucléaires de l’archipel –, on a vu les ministres porter ostensiblement un pull en hiver, et inciter aux vêtements légers en été pour éviter la climatisation20. Face aux contraintes possibles du réseau électrique des années 2030 ou 204021, verra-t-on une loi obligeant à porter des vêtements appropriés à la saison sur les plateaux de télévision ?

 

Besoin d’intelligence et d’expérience, avant la laine de verre

En pull chez soi! Dans l’abondance énergétique des Trente Glorieuses, la “température de consigne” monte pour atteindre aujourd’hui 22 ou 23°C. Réussir à baisser cette température serait un levier autrement plus efficace qu’isoler les bâtiments…

L’histoire des techniques anciennes, qui permettaient aux populations d’atteindre un certain confort thermique avec une ressource énergétique extrêmement limitée, est passionnante et inspirante22. Fort heureusement, on a depuis progressé sur la qualité des vêtements, le rendement des dispositifs techniques, la compréhension des comportements des matériaux… Le confort  thermique n’est pas uniquement lié au chauffage : il est le résultat d’une “équation” complexe, qui dépend certes de la température de la pièce, mais aussi du degré d’humidité, des caractéristiques des parois (effusivité en particulier) et des sols, de la façon de diffuser la chaleur, et, in fine, de la manière dont on est vêtu et de son activité.

Rénover low-tech, c’est partir d’une réflexion sur les usages, avant de s’intéresser, évidemment, aux bonnes techniques, aux bons matériaux, aux bons procédés à mettre en œuvre, pour atteindre le confort thermique le plus écologique possible. Il s’agit de mobiliser l’intelligence et l’expérience, et d’adapter une palette de possibilités à chaque contexte23, mais aussi de former et conseiller les gens, faire bouger les habitudes, partager de nouveaux réflexes… Pour ne prendre qu’un exemple personnel, en ces temps de télétravail qui se développe, je peux confirmer, au cours de ce troisième hiver de semi-confinement, que travailler avec un plaid enveloppant les genoux et les pieds est un outil terriblement efficace pour ne pas trop chauffer le logement dans la journée et éviter un nouvel effet rebond… Essayez, vous serez bluffés. 

  1. Ministère de la Transition écologique et solidaire, Direction générale
  2. de l’Énergie et du Climat, Synthèse du scénario de référence de la stratégie française pour l’énergie et le climat, 15/03/2019, pp. 10-14.
  3. TWh = térawattheure (milliard de kilowattheures).
  4. Et une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 95 % par rapport à
  5. 452 % (de 436 TWh à 208 TWh).
  6. 5Qui pourront se composer de plus nombreuses rénovations unitaires, par exemple remplacement des fenêtres, des parois, des systèmes de chauffage… 6RTE, Futurs énergétiques 2050, rapport, octobre 2021.
  7. ADEME, Transition(s) 2050, Choisir maintenant. Agir pour le climat. Synthèse, rapport, novembre 2021, pp7-8.
  8. Scénario négaWatt 2022, “La transition énergétique au cœur d’une transition sociétale”, présentation du 26/10/2021, p28
  9. Ministère de la Transition écologique et solidaire, Stratégie nationale
  10. bas-carbone. La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone, mars 2020, pp. 40 et 43.
  11. 17 ans par exemple dans les scénarios étudiés par l’observatoire de l’immobilier durable (OID) et CentraleSupelec ; Le réel coût de la rénovation énergétique des logements, Webinaire, 27/05/2021.
  12. Qui permet de réchauffer l’air frais entrant avec le flux d’air
  13. par exemple Claude Lefrançois, Les clés du confort thermique écologique, Terre vivante, 2021.
  14. Claude Lefrançois, “Labels de construction : sont-ils véritablement pertinents ?”, Build green, 19/02/2020.
  15. les travaux de l’International Resource Panel / United Nations Environment Program.
  16. Le système numérique consomme plus de 10 % de l’électricité mondiale et émet environ 1 milliard de tonnes de CO2 par
  17. fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(économie)
  18. GdW, Die Wohnungswirtschaft in Deutschland, conférence de presse annuelle, 01/07/2020.
  19. Visibles au deuxième étage du Musée des Arts et Métiers, Paris ; paleo-energetique.org
  20. Valérie Chansigaud, Histoire de la domestication animale, Delachaux et Niestlé, 2020,
  21. AFP, “Les employés japonais doivent s’habiller léger pour économiser l’électricité”, 01/06/2011.
  22. Cf. les scénarios RTE, qui donnent la mesure des programmes industriels à déployer.
  23. par exemple les articles de lowtechmagazine.com/heating/ 23Profeel, Rénover low-tech, c’est tout naturel, 2021.
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