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Le Regard Décalé

Revue des Ingénieurs

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20/03/2022

Auteur : Jean-Paul LAVERGNE (N 1966 ICiv)

L’art et l’Espagne

Depuis les premiers Ibères, les remous de l’histoire et le brassage des peuples ont forgé la culture espagnole à coups d’influences et de traditions, musulmanes, juives, catholiques, enrichies d’identités régionales fortes, catalane, andalouse, basque, castillane, qui la rendent chatoyante et souvent tourmentée. Les échanges avec d’autres pays ont également façonné la production artistique notam- ment sous les dominations arabes et berbères ou grâce aux possessions des Habsbourg en Pays-Bas, de même que certains artistes étrangers établis en Espagne comme El Greco ou Scarlatti. Des œuvres pariétales paléolithiques d’Altamira au writing de Fasim en passant par Velasquez, Goya, Picasso ou Dali, la peinture espagnole marque chaque époque d’empreintes puissantes.

La musique espagnole qui se cache souvent derrière la guitare et le flamenco développé par les gitans andalous impose des repères avec le Padre Soler, Fernando Sor, Pablo de Sarasate, Isaac Albeniz et bien d’autres. L’Espagne a fourni à la danse son lot de créateurs comme Antonio Gades, Blanca Li ou Israël Galvan. Quant à la littérature, elle repose sur des piliers aussi robustes que Cervantès, Calderon, de Unamuno, Garcia Lorca, Mayorga, Cabré. Le cinéma n’est pas en reste avec des réalisateurs d’inspirations aussi diverses que Luis Buñuel, Carlos Saura, Bigas Luna ou Pedro Almodovar.

Ces bouillonnements créatifs ont leurs échos dans les œuvres qui prennent l’Espagne comme thème. Les auteurs romantiques du XIXe, et plus près de nous, Hemingway, Malraux, se sont saisis des convulsions de l’histoire tout comme Rossif ou Ken Loach.

La tauromachie inspira les peintres de Manet à Alechinsky. Corneille créa Le Cid, Mérimée Carmen et Lalo une symphonie espagnole.


Vollard en toréador, Renoir, 1917

Plongée fabuleuse

Si l’enfer de Dante a de quoi séduire les peintres de toutes origines – Botticelli, Doré, Delacroix, Blake, Dali, Buffet s’y sont exercés – les étranges tourments qu’on y découvre ont capté l’imagination poétique du Catalan Barceló, en parfaite résonnance avec celle de Dante qui “parle des choses qu’il a vues” et que Barceló nous donne à voir, émergeant d’un univers quasi liquide aux couleurs et aux formes curieusement aussi évidentes qu’inattendues. Ce que dit Dante, Barceló nous le montre, comme en direct, sans le filtre habituel des conventions picturales sur lesquelles se sont appuyés – et avec quelle force – d’autres illustrateurs. Car l’univers que Dante nous rapporte n’est fait ni des mêmes matières ni du même espace que le nôtre.

Ce dont la traduction de Danièle Robert rend compte avec exactitude et harmonie.

On va et vient entre le texte et l’image en compagnie des deux poètes, on découvre ébahi le monde des enfers, toujours plus singulier, toujours plus fascinant. Barceló nous conduit comme Virgile guide Dante.

Dante Alighieri, Miquel Barceló : La divine comédie L’enfer – 176 p. - 2021 – Actes Sud – 49 €

Passion à l’espagnole

Les mois qu’il a passés en Espagne quand il avait dix ans ont ébloui Victor Hugo.

Dans Guitare c’est la vigueur espagnole appliquée au drame amoureux en onze strophes : il plonge un Basque dans la Mancha, affuble son aimée d’une mère andalouse d’origine maghrébine et d’un époux noble castillan, les fait passer sur le pont de Tolède encore ; c’est noir mais on y voit le songe d’une Espagne aux racines multiples qui trouble le héros. Car, avec sa carabine, Gastibelza bat la campagne: la cime farouche du Capu Falu est en Corse, la tour Magne sans doute à Nîmes et les conquêtes de Cléopâtre un peu confuses. La métrique sautillante qui alterne vers de dix et de quatre pieds appelle la musique: Monpou et Liszt s’en sont emparés. Brassens, lui, pour plus de clarté, s’est affranchi de quatre strophes en gardant le rythme et le rêve. La magie poétique fonctionne toujours.

Victor Hugo: Guitare in Les rayons et les ombres XXII

– 1 p. 1837 – Nombreuses éditions

Georges Brassens : Gastibelza in Les sabots d’Hélène

– 2’18“ 1954 – Philips 

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