Auteur : Jean BENASSAYA (N 2020 ICiv)
Quels ont été les défis majeurs que l’Association a eu à relever sous votre présidence ? Quels sont les principaux chantiers pour les mois à venir ?
Mon objectif constant a été de contribuer à assurer dans la durée des marges de manoeuvre pour l’école, qui évolue dans un écosystème très contraint.
L’École fait partie de l’Université de Lorraine et a pour ministère de tutelle le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, seul cas parmi les écoles des Mines, les autres dépendant du ministère de l’Industrie. Elle en tire des avantages, notamment pour la recherche avec mise à disposition des laboratoires, parfois de classe mondiale, de l’Université. Mais elle subit de nombreuses contraintes contre lesquelles il faut résister pour maintenir des marges de manoeuvre. C’est une bataille permanente. Quelques exemples :
• Lors de la fondation de l’Université de Lorraine (UL) et de Lorraine INP par décret en 2011, le projet de statuts stipulait que le directeur de l’École serait nommé par l’UL. Après une longue bataille menée par l’Association et le directeur, la nomination de celui-ci directement par le ministre, et sur proposition du seul Conseil d’Ecole, a pu être préservée et figure dans le Règlement Intérieur de l’UL découlant du décret de 2011. Cela protège l’École de nominations inappropriées, et il en va de même pour la présidence qui est élue par le Conseil d’Ecole ;
• L’augmentation des droits de scolarité nécessaire pour se mettre au niveau des écoles d’ingénieurs premium ;
• La restauration de la Fondation qui était laissée à l’abandon lorsque je suis arrivé et la garantie de son contrôle par des Ingénieurs Civils ;
• Le renouvellement d’accréditation de la Commission des titres d’ingénieurs.
Comment l’Association est-elle amenée à évoluer ? Quelles initiatives pour renforcer le lien entre Mineurs ?
Le renforcement du lien avec les Mineurs est notre souci permanent, et prioritairement avec les jeunes générations. J’en donnerai quatre exemples :
• L’entrée des jeunes dans les instances et notamment le Conseil d’administration de Mines Nancy Alumni (96 diplômés de Nancy exercent des responsabilités chez MNA ou Intermines, dont un peu moins de la moitié au titre de l’Association) ;
• La connexion aux élèves via leurs représentants et l’intervention d’Alumni à l’école, sous forme de cours ou conférences ;
• La mise en place d’un Conseil de perfectionnement depuis 2 ans dont le président et un membre sont de jeunes Alumni – Hugues-Marie Aulanier (N08) et Bertrand Galley (N06) ;
• Enfin la mise en place, il y a quatre ans, d’un système d’adhésion des élèves à l’Association, ce qui permet de limiter l’érosion des cotisations à la sortie de l’Ecole. J’y reviendrai plus tard.
Quelles synergies et quels projets communs avec l’École, avec les Élèves et avec les Centres de recherche ?
L’Association soutient de nombreux projets de l’école, notamment le projet 5G – aujourd’hui Mines Nancy fait partie des deux premiers établissements d’enseignement supérieur au monde à être doté d’un système 5G stand alone – et UrbanLoop. Après une première expérimentation réussie en 2021, Urbanloop a trois réalisations en commande : une première ligne, commandée pour 2025, reliera Nancy Centre à l’arrière de la place Stanislas ; une seconde ligne rapprochera le CHRU de Nancy au centre de la ville ; enfin la commande la plus pressante est pour les JO de Paris 2024, desservant les différents complexes sportifs de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Un mot sur le financement de l’Association ?
La situation financière de Mines Nancy Alumni était très préoccupante lors de ma prise de fonctions, nos réserves étant à zéro à cette époque. Ce n’est plus aujourd’hui une préoccupation majeure, car nous avons aux alentours d’un an de cotisations en trésorerie, que nous devons préserver. Nous avons pour seuls revenus les cotisations, sans aucune subvention, notamment de l’Ecole, ce qui garantit notre indépendance mais nous oblige à beaucoup de rigueur.
Quels services propose l’Association ? Comment s’articule-t-elle avec Intermines et avec d’autres Associations ?
L’Association est un réseau de contacts à valeur ajoutée, à la différence des réseaux sociaux qui en manquent. Ces deux types de réseaux sont complémentaires, mais ne peuvent pas se substituer. Au sein de l’Association, il y a une bienveillance et une volonté participative, tandis que dans les réseaux sociaux classiques, il n’existe pas de substrat. Dans cette logique, nous développons toute une gamme de services, avec un double objectif : fidéliser les jeunes Alumni (ceux diplômés depuis quatre à cinq ans) et partager et développer la marque Mines, en étroite coopération avec Intermines et les Associations de Paris et Saint-Étienne. Dans ce sens l’Annuaire commun est un outil précieux et très utile.
Les services proposés par l’Association sont très divers. Il y a d’abord l’organisation d’événements phares, comme le centenaire de l’école au siège de l’UNESCO en 2019, ou la conférence réunissant Natacha Valla, doyenne de l’École du Management et de l’Innovation de SciencesPo Paris et Jean- Claude Trichet (N61), ancien Gouverneur de la BCE, en fin d’année 2021. Ou encore la mise en place de programmes, comme le programme 3A qui consiste en la mise à disposition des élèves des coordonnées personnelles d’Alumni volontaires pour partager leur parcours.
Quelle est votre perception des Groupes, des Clubs et d’Intermines Carrières ? Est-ce important de continuer à proposer un espace d’échanges via les Groupes et Clubs ?
Les Clubs et Groupes Régionaux ont fait preuve d’une résilience variable par rapport à la pandémie de Covid. Mais dans l’ensemble, les Clubs ont non seulement bien résisté mais ont aussi su s’adapter en passant du présentiel au distanciel. Le nombre élevé de webinars organisés en 2020 et 2021, une centaine environ chaque année, en est la preuve. De même, les Conseillers Carrière ont continué à être actifs pendant la période. Il faut maintenant relancer cette activité qui est très importante au sein d’Intermines.
Pour répondre à la deuxième partie de la question, cette activité est essentielle. Ce n’est pas qu’une mise en commun pour des économies d’échelle, c’est plus large. Les Groupes et Clubs permettent de cultiver l’identité des mineurs, leurs valeurs (humanisme et ouverture aux autres) et ainsi de créer du lien entre eux.
Dans le contexte du post Covid, comment relancer les Clubs et les Groupes ? Et comment impliquer les jeunes Alumni dans ces activités ?
Si la généralisation du webinar a permis de traverser la période Covid, elle a un effet pervers. On observe en effet que la participation en présentiel chute énormément, en nombre et en engagement. La gratuité de ces événements a encouragé ce phénomène avec des taux de chute de 50 % entre le nombre d’inscriptions et le nombre de présents. On peut toutefois relever une heureuse exception : le Cocktail des Mines 2022, organisé en présentiel pour la première fois depuis 2019, fut très réussi !
Y a-t-il une difficulté à faire adhérer les Mineurs à l’association et pourquoi ? Une érosion a-t-elle été observée dans le nombre de cotisants, et quelles actions avez-vous lancées ?
La difficulté à faire adhérer les Mineurs est un sujet permanent. Le coup le plus terrible a été asséné il y a une quinzaine d’années lorsque la cotisation n’était plus déduite fiscalement. Quelque temps après, la baisse d’adhérents s’est nettement fait ressentir. On commence à se redresser, mais je ne suis pas sûr que ce soit solide. À hauteur de 125 €, je considère que le montant de la cotisation est correct et accessible. Il existe donc un problème de fond : les gens s’éloignent de tous systèmes d’association.
Si la propension à s’associer est aujourd’hui moindre, que peut-on faire ? Nous avons décidé de faire adhérer les élèves dès leur première année à l’École. En effet, en collaboration avec le BDE, nous proposons une cotisation groupée BDE-Mines Nancy Alumni, ce qui pousse les élèves à adhérer. L’impact budgétaire n’est pas significatif puisque la cotisation des élèves est de 10 €, mais l’augmentation du nombre de cotisants est frappante. Dans les faits, c’est une très bonne chose, nous nous retrouvons
en sortie d’école avec un taux de cotisation de plus de 50 % sur les trois premières années de sortie. Mais le problème demeure, et nous y avons seulement apporté une solution technique sans le résoudre.
Je tâche de communiquer deux choses aux diplômés à leur sortie de l’école : le réseau ne s’use que si on ne s’en sert pas, et, plus on s’en sert, plus le réseau est fort et a de l’intérêt. Il faut retenir que nous sommes bien accueillis partout dans le monde ! Notre discours et nos offres sont à rénover, surtout depuis le passage de la pandémie de Covid 19. Nous sous-estimons sans doute la nécessité de rencontrer davantage les élèves durant leur 3 années de scolarité pour leur montrer, au travers d’échanges directs, l’importance de Mines Nancy Alumni. Une fois sortis de l’École, il est trop tard.
Comment renforcer le rôle de la Revue par rapport à l’Association ?
La Revue joue un rôle essentiel, elle incarne l’identité des Mines. On parle de la Revue des Mines, avec pour sous-titre “La revue des Ingénieurs”. Au-delà de la profession ou du parcours académique emprunté, elle rassemble avant tout autour de l’identité Mines. Je considère la Revue comme un outil formidable pour consolider la marque Mines dont la notoriété et l’identité ont été mises en place après plusieurs années, voire des décennies, et qu’il faut continuer de développer.
Comment développer les liens de la Revue avec les jeunes générations ?
Le plus difficile serait de recruter des jeunes qui s’intéressent à l’écriture en général. De cette manière, il serait plus évident de leur donner la parole au sein de la Revue, comme cela est par exemple fait dans la Newsletter. À ce stade, la plupart des articles sont en effet écrits par des anciens à “maturité professionnelle”. L’initiative de Thierry
Doucerain d’ouvrir le Comité de rédaction de la Revue à des élèves [NDLR : Jean Benassaya pour Nancy] va dans le même sens.
Un message à l’École et aux Alumni des autres Écoles ?
Dans la compétition des établissements d’enseignement supérieur, qui est de plus en plus vive, avec la montée en puissance des écoles privées, la course me semble plus être à la différenciation qu’à la taille. Cultivons notre identité en restant libres de nos choix et nouons des partenariats en nombre limité mais profonds, non par accumulation ou opportunisme, mais comme en amour, soit par similitude soit par complémentarité raisonnée.
Aux collègues de Paris et Saint-Étienne je dis “cultivons la marque Mines !” Dans les activités de services intangibles, à forte valeur ajoutée, comme le conseil de direction ou les activités de formation supérieure d’excellence, il faut des années, voire des décennies, pour installer une marque de confiance. Protégeons la marque Mines en continuant d’agir ensemble et à capitaliser sur elle. Vive nos écoles des Mines et nos associations de Mineurs !
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés