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INTERMINES HAUTS-DE-FRANCE, BELGIQUE, PAYS-BAS : NEUTRALITÉ CARBONE EN 2050, PEUT-ON ENCORE Y CROIRE ?

Revue des Ingénieurs

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04/03/2023

Auteur : Catherine et Frédéric CACCIAGUERRA (E77)

Conférence-débat avec Jean-Marc Jancovici (X81), le 13 octobre 2022 : une soirée pour se convaincre que c’est à nous d’agir pour préserver notre planète.


 L’urgence climatique s’est invitée sur les bancs de l’Université Catholique de Lille, dite “la Catho”, véritable institution lilloise présidée par Patrick Scauflaire (X81 P83). Nous le remercions, ainsi que son équipe, pour l’organisation sans faille de cette conférence-débat.
La science était à l’honneur dans l’amphithéâtre Teilhard de Chardin aux 650 places, avec la très attendue interven- tion de Jean-Marc Jancovici, membre du Haut Conseil pour le climat, conseiller de dirigeants, préfacier du “Plan de Transformation de l’Économie Française” (PTEF du Shif Project) et avec Christophe Blain de l’excellente BD Le monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique. Quelques-uns ont d’ailleurs profité de l’aubaine pour en avoir une dédicace.
Un véritable tour de force pour les membres d’Intermines Hauts-de- France et du Chti’x (anciens élèves de Polytechnique des Hauts-de-France) qui ont uni leurs efforts pour faire venir l’un des meilleurs spécialistes actuels des questions d’urgence climatique. Car urgence il y a !
Devant un amphi plein à craquer avec pas moins de 400 jeunes étudiants et 250 ingénieurs, sans oublier les nombreux participants en liaison vidéo des campus distants, Jean-Marc Jancovici a pu déployer un discours clair, imagé, sans langue de bois, avec un bilan chiffré et parfois glaçant. L’œil perçant, le ton vif, parfois ironique et provocateur, l’homme ne joue pas les Cassandre et ne se contente pas d’alerter : il propose des pistes très concrètes pour plus de sobriété énergétique.
La soirée s’est déroulée en deux parties : un exposé d’une heure suivi d’une séance de questions-réponses d’une heure et demie.

 RAPPELS SUR L’ÉNERGIE ET LE CLIMAT
L’énergie est une grandeur physique qui permet de quantifier un changement d’état d’un système (changement de la température, de la composition chimique…). Plus on fait de transformations, plus on utilise des machines, plus on consomme de l’énergie. À titre de comparaison, la force musculaire d’une paire de bras est de l’ordre de 10 W; un laminoir, c’est 10 millions de fois plus ! L’énergie est extraite de l’environnement (combustibles fossiles, rayonne- ment solaire, vent, minéraux).
Il y a une corrélation très étroite entre PIB et consommation d’énergie, donc avec les émissions de gaz à effet de serre. Plus de 80 % de l’énergie mondiale est obtenue avec des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) ; au premier ordre :
PIB = Énergie = CO2 (vérifié par PIB = f(E) = f(CO2) entre 1965 et 2021)
Sans les machines, le PIB mondial serait 200 fois inférieur ! L’énergie “à gogo” a permis le monde tel qu’il est aujourd’hui.
Les ruptures technologiques (électrification, énergies renouvelables, numérisation) n’ont rien changé à l’accroissement de la consommation d’énergie, et donc à l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre.
La “croissance verte” n’est pas possible si on veut limiter les émissions de gaz à effet de serre au niveau exigé pour limiter l’augmentation de température globale de 2°C. Compte tenu de la très grande stabilité du C02 dans l’atmosphère (surplus divisé par 2 au bout de 100 ans, par 5 au bout de 1 000 ans), l’évolution climatique est sans retour. Une élévation de la température globale de plusieurs degrés entraînera à court terme une augmentation des canicules en intensité et en fréquence, rendant inhabitable une partie de la terre, avec pour conséquence des migrations d’ampleur jamais connue et des risques de guerre accrus.
Si on veut limiter une dérive climatique catastrophique, il faut immédiatement limiter très fortement les émissions de gaz à effet de serre : - 5 % par an au niveau mondial, ce qui est l’effet d’une crise covid supplémentaire chaque année !
Bonne ou mauvaise nouvelle : il y a une “voiture-balai”. Le pic de production des énergies fossiles est passé ou est en passe d’être passé ; la production de pétrole des 16 premiers fournisseurs de l’Europe, indispensable aujourd’hui aux transports et à toute l’industrie, sera divisée par 2 d’ici 2050.

 QUESTIONS-RÉPONSES AVEC LA SALLE
Jean Marc Jancovici a demandé que la parité F/H soit respectée dans les ques- tions posées. Nous avons regroupé les nombreuses questions par thèmes.

Énergie
• La fission nucléaire n’émet pas de CO2 et fournit une très grande densité d’énergie (1g d’uranium produit 1 million de fois plus d’énergie que 1g de pétrole).
• L’enfouissement des déchets à haute radioactivité est une bonne solution.
• On constate une barrière de compétences pour développer le nucléaire. Elle limitera la décroissance mais ne l’empêchera pas.
• Le développement des batteries est valable pour les engins de transport de faible puissance (vélos). Pour les modes lourds, il faut électrifier le fret avec des caténaires.
• L’hydrogène est difficile à produire et à transporter, et on a des pertes élevées dans les transformations.
• La fusion nucléaire n’est pas une solution au problème posé car aucun réacteur ne sera prêt à temps (au milieu de ce siècle !), et de plus… la production d’électricité à partir de la fusion nucléaire reste à être démontrée !

Agriculture
• Pour une agriculture plus “vertueuse”, il faut localiser la production et la transformation des produits agricoles.
• Pour faire face à l’augmentation de population et en visant des cultures “bio” (moindres rendements qu’avec les engrais chimiques), il faudra admettre de payer plus cher la nourriture, avoir des circuits courts et baisser la consommation de viande.

Politique
• Le monde politique n’a pas compris ou ne veut pas comprendre le problème : même si c’est désagréable, il va falloir que l’État organise la contraction d’activité (pour ne pas dire la décroissance !).

Choix personnels
• Pour aller dans la bonne direction, on peut choisir de travailler dans une entreprise qui a une réelle politique favorable à la sobriété énergétique.
• Conseils pour la jeunesse : se mettre dans l’action collective et faire le bon choix d’entreprise ; montrer l’exemple plutôt que donner des leçons.

CONCLUSION
Une conférence-débat réussie, d’un très bon niveau scientifique, qui aura peut être convaincu certains de rejoindre les “shifters”, bénévoles au service du think tank “the shift project”, ou plus simplement aura donné envie d’agir en faveur de la sobriété énergétique. Même si le constat est sombre, Jean-Marc Jancovici a pu donner de précieux conseils à une jeunesse parfois déboussolée, comme “agir de façon collective pour garder le moral et l’espoir”. Pour lui, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !

Jean-Marc Jancovici (X81)

Il est l’inventeur de la notion de Bilan carbone. Diplômé de l’École Polytechnique et de Telecom ParisTech, il est président du Shift Project, un think tank qui oeuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone (www.theshiftproject.org).
Associé et co-fondateur de Carbone 4, qui accompagne la transformation des organisations vers la décarbonation et l’adaptation au changement climatique, il est membre du Haut Conseil pour le climat et auteur ou co-auteur de 8 livres de vulgarisation sur l’énergie et le climat.
Site web : https://jancovici.com/
Chaîne YouTube : https://bit.ly/Mines518-janco

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