IBERDROLA :

Auteur : ALEXANDRE MICHEL

BIO

Diplômé de Arts & Métiers ParisTech en 2012, Alexandre a une expérience de 10 ans comme ingénieur dans le secteur de l’énergie, dans le domaine des réseaux et des services énergétiques. Il a travaillé en France, ainsi qu’en Espagne et au Mexique en tant qu’expatrié.

Du haut de ses 30 ans d’histoire, Iberdrola est désormais le leader mondial de la production d’électricité éolienne, est présente dans des dizaines de pays, sur quatre continents. L’entreprise compte 30 millions de clients, emploie plus de 35 000 personnes et figure parmi les 10 plus grands producteurs mondiaux d’électricité.

Iberdrola a été créée en 1992 par la fusion de deux opérateurs historiques du domaine de l’électricité en Espagne, tous deux présents sur les segments de la production et de la distribution d’électricité : Iberduero et Hidroeléctrica Española, aussi connue sous le nom d’Hidrola. Le nouveau nom est formé de la contraction des deux précédents. Au moment de sa création, Iberdrola pèse pour 40 % du secteur de la production et de la distribution d’électricité en Espagne.

Dans les années 90, la nouvelle entité consolide son organisation initialement centrée exclusivement sur l’Espagne, puis démarre le début d’un cycle d’expansion et de croissance, qui ne s’est jamais véritablement arrêté, dans un premier temps en Amérique Latine, principalement au Brésil, et en Amérique du Nord.

À partir de 2001, Iberdrola parie sur le développement des énergies renouvelables et en devient un véritable pionnier. Pari gagnant s’il en est, et qui est toujours au cœur de sa stratégie.

Iberdrola reprend son fort développement international à partir de 2006. D’abord au Royaume-Uni (acquisition de Scottish Power en 2006), puis pour conforter ses positions au Brésil (acquisition d’Elektro en 2011 et de CEB Distribuição en 2020) et aux USA (acquisition d’Energy East en 2008 et d’UIL en 2015).

À ce jour, le groupe est structuré autour de ses principales filiales :

• Iberdrola España (Production, Vente, Réseaux)

• Scottish Power – filiale au RoyaumeUni (Production, Vente, Réseaux)

• Avangrid – filiale aux USA, cotée à la bourse New York (Production, Réseaux)

• Iberdrola Mexico – filiale au Mexique (Production, Vente)

• Neoenergia – Filiale au Brésil, cotée à la bourse de Sao Paulo (Vente, Réseaux)

• Iberdrola Internacional – filiale du groupe en charge du développement principalement dans les pays considérés comme non stratégiques (Australie, Japon, France, Allemagne, Italie, Grèce…).

Longtemps acteur mineur de l’éolien off-shore, Iberdrola affirme désormais sa volonté de développer son portefeuille d’actifs de manière rapide. La construction du parc éolien de la baie de Saint-Brieuc (496 MW avec 62 éoliennes, devant produire 1.820 GWh par an) a été attribuée à Ailes Marines, filiale du groupe espagnol Iberdrola. Il devrait rentrer en service fin 2023.

Historiquement la stratégie d’Iberdrola s’est construite sur 3 lignes directrices claires, qui se sont révélées gagnantes.

1. Un investissement fort et concentré exclusivement sur la production électrique à base de sources renouvelables (solaire, éolien on-shore, hydraulique). Iberdrola a en effet pris le virage de la transition énergétique avec une très forte anticipation, en investissant massivement depuis 20 ans dans les énergies renouvelables, en définissant une trajectoire claire d’abandon des sources de production thermiques et carbonées (le groupe revendique une production thermique fioul/charbon nulle depuis 2019).
2. Un investissement tout aussi fort dans le secteur régulé (réseaux de distribution et de transport, principalement électriques, mais également gaz de manière plus marginale)
3. Une très forte croissance externe puis organique, sur une grande variété de zones géographiques (Espagne, USA, UK, LATAM), dont une grande partie porte des ambitions climatiques importantes et des notations financières favorables (rating A) permettant de minimiser son exposition au risque.

LES RENOUVELABLES: UN ÉLÉMENT CLÉ

Iberdrola est ainsi parvenue à développer une position de leadership mondial en une quinzaine d’années dans le secteur des énergies renouvelables, grâce à la mise en place initialement d’une stratégie avant-gardiste dans le secteur de l’éolien. Les renouvelables ont toujours été un élément clé de son business model historique et un enjeu stratégique identifié comme prioritaire. Leur contribution est significative, en termes d’EBITDA: 24 % en 2019 pour 2,4 Mds €,, contre 10 % en 2000 pour 0,21 Md €. Cela en lien avec la trajectoire d’évolution de son parc d’ENR, qui a connu en 20 ans une croissance fulgurante d’un facteur 4, passant de 9 à 32 GW, et cela malgré la vente régulière, au titre de rotation d’actifs, de nombreux parcs éoliens en Europe (France, Italie, Allemagne…).

Le groupe affiche désormais une volonté de se développer sur le segment de l’éolien off-shore (UK, Allemagne, France, USA), cette technologie permettant une rentabilité encore supérieure avec un EBITDA/MW 5 fois plus favorable que le solaire PV terrestre et 3 fois plus favorable que l’éolien terrestre. Iberdrola ambitionne de disposer de 4 GW de puissance éolienne off-shore à horizon 2025 et une projection de l’ordre de 8 GW à 2030. Longtemps acteur mineur de ce marché, Iberdrola affirme désormais sa volonté de développer son portefeuille d’actifs de manière rapide.

TRANSPORT ET DISTRIBUTION D’ÉLECTRICITÉ POUR SÉCURISER LES REVENUS

En parallèle de sa stratégie pionnière ambitieuse et de son développement précoce, couplés à une forte croissance externe sur les énergies renouvelables, Iberdrola a déployé une stratégie de sécurisation de ses revenus, en investissant de manière massive dans le secteur régulé des réseaux de transport et de distribution d’électricité. Ce segment d’activité est désormais le plus important d’Iberdrola et représente 52 % de l’EBIDTA du groupe en 2019 pour 5,3 Mds €, contre 40 % en 2000 pour 0,84 Md €. De par le poids du secteur régulé dans son modèle d’affaires et la stabilité qu’il apporte, et étant présente dans des pays stables et au rating financier favorable, Iberdrola parvient ainsi à minimiser fortement les risques sur son portefeuille d’actifs. Cela lui confère enfin une position d’acteur technique clé dans le cadre de la transition énergétique de par l’imbrication évidente entre le développement toujours plus croissant et diffus des énergies renouvelables et l’adaptation nécessaire des réseaux électriques à leur déploiement (Interconnexions, réseaux intelligents et gestion de la flexibilité, automatisation, évolution de l’entretien, maintenance, etc.). 

En complément de ces 2 axes majeurs de développement, sur le renouvelable et le secteur régulé, Iberdrola est rapidement passé d’un groupe réalisant la quasitotalité de ses activités en Espagne, à un groupe ayant une présence internationale marquée, principalement en Europe et en Amérique du Nord et du Sud, notamment dans 5 pays clés des deux côtés de l’Atlantique : l’Espagne (40 % de l’EBIDTA), les USA (28 % de l’EBIDTA), le Royaume-Uni (16 % de l’EBITDA) et le Brésil (14 % de l’EBITDA). Cette diversification géographique conjuguée au mix ENR/Régulé, contribue d’autant plus à réduire son exposition au risque.

Enfin, la vente à ses clients particuliers et professionnels sous la forme de services de fourniture d’énergie, de solutions d’efficacité énergétique, de mobilité électrique, de solutions smarthome, bien que proportionnellement en réduction, pèse toujours pour 24 % de l’EBIDTA en 2019 pour 2,4 Mds €, contre 50 % en 2000 pour 1 Md €).

UN PROGRAMME D’INVESTISSEMENT HISTORIQUE

Dans son plan 2020-2025, Iberdrola affiche vouloir poursuivre ses ambitions et réaffirme sa stratégie qui a plus que payé jusqu’alors. Les deux activités actuellement définies comme prioritaires par le groupe – les réseaux et les énergies renouvelables – fournissent en effet non seulement des revenus prévisibles, mais elles sont de plus celles qui génèrent le plus d’EBITDA en proportion du chiffre d’affaires réalisé. Le plan 20202025 affiche dans cette logique un programme d’investissement historique de 75 Mds € sur la période. Et désirant en parallèle accélérer encore son développement, Iberdrola a annoncé en 2021 un plan d’investissement complémentaire d’un montant égal sur la période 20252030, soit au total 150 Mds € sur une dizaine d’années !

Grâce à cet investissement massif, le groupe prétend vouloir prendre de l’avance sur ses concurrents et ainsi profiter des opportunités offertes par la révolution énergétique enclenchée dans les principales économies mondiales. Cette masse d’investissements sera dirigée vers “plus d’énergies renouvelables, plus de réseaux, plus de solutions de stockage, et plus de solutions smarts pour ses clients”, comme l’indique clairement Ignacio Sánchez Galán, CEO d’Iberdrola. Grâce à ce programme ambitieux, Iberdrola prévoit d’atteindre 15 Mds € d’EBITDA en 2025 (contre 10Mds € en 2019) et un bénéfice net de 5 Mds € (contre 3,5 Mds € en 2019). Les 75 Mds € du plan 2020-2025 seront répartis à 51 % (34,6 Mds €) sur le segment des énergies renouvelables, 40 % (27 Mds €) sur le secteur régulé/réseaux et enfin 9 % sur la part d’activités consacrées aux services aux clients. La répartition géographique prévue dans le plan stratégique est de 50 % des investissements sur la zone UK/USA et 21 % sur l’Espagne.

Ainsi, d’ici fin 2025, la capacité de production installée d’Iberdrola devrait atteindre 60 GW (32 GW en 2019 : +100 % !), et la valorisation des actifs régulée atteindre 47 Mds € (30 Mds € en 2019 : +56 %), le groupe se projette à 2030 sur 95 GW de puissance installée et une valorisation des actifs régulés de 60 Mds €.

Malgré ce rythme d’investissements sans précédent, Iberdrola assume de pouvoir maintenir son ratio d’endettement et son rating crédit, en lien avec les augmentations de son chiffre d’affaires et des bénéfices prévus. Enfin, de par son portefeuille de projets, Iberdrola est également devenue le leader mondial d’émission de green bonds (obligations vertes – 11,3 Mds €), dont elle met le mécanisme à profit pour financer son développement – 60 % de son endettement en est composé. Cette trajectoire de développement historique de la société est donc crédible sans amener à son surendettement. Aussi, les promesses de distribution croissante de dividendes sont également source de motivation et de confiance pour ses actionnaires.

Cette success-story à l’Espagnole a été possible grâce à plusieurs facteurs : une stratégie avant-gardiste qui s’est révélée gagnante sur la durée, un mix ENR/ régulé permettant de se développer tout en minimisant ses risques, un développement par opportunisme à l’international, la mise à profit des mécanismes de financement verts, une stabilité sur 20 ans de la composition de son personnel dirigeant et un actionnariat éclaté (le détenteur de parts le plus important ne représente que 9 %).

VERS DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS

Si les grands piliers de sa stratégie restent inchangés, néanmoins, Iberdrola modifie quelque peu son approche à l’égard de son pays d’origine. Elle parie sur l’accélération du développement des énergies renouvelables solaires en Espagne dans les années qui viennent, et à ce titre augmente les investissements dans le pays. En effet, bien que bénéficiant d’un ensoleillement record et étant, au début des années 2000, considéré comme l’un des pionniers de l’énergie photovoltaïque avec l’Allemagne, l’Espagne n’a que très peu développé ce secteur (4,7 GW existants en 2018, puis 11,5 GW en 2020) par rapport à l’Allemagne (45 GW existants en 2018 puis 53 GW en 2020). Ce retard de développement est dû en bonne partie aux contrecoups des politiques d’austérité mises en place dans le pays depuis 2010, or il semble bien que cette période défavorable soit terminée et que s’ouvre une fenêtre d’opportunités pour le secteur qu’Iberdrola entend bien saisir. Dans cette logique, le groupe a lancé plusieurs projets dans le pays, le gouvernement espagnol ayant pour sa part annoncé sa volonté de construire 30 GW de solaire photovoltaïque d’ici 2030.

L’hydrogène vert sera également un futur vecteur stratégique de croissance pour Iberdrola. Le groupe dispose d’un portefeuille d’une cinquantaine de projets, qui s’inscrivent en lien avec le plan de relance européen Next Generation EU et le 2030 Climate Target Plan, ce qui lui permettrait d’atteindre, une fois mis en service, un volume de production annuelle de 60 000 tonnes d’hydrogène vert. Le groupe, absent du secteur encore en 2019, se fixe comme objectif à horizon 2030 une capacité de production de l’ordre de 80 000 tonnes. En complément, Iberdrola souhaite s’inscrire dans une véritable construction à long terme du secteur, tant pour aider et soutenir la création et le développement de nouveaux fabricants d’électrolyseurs, que pour former des alliances industrielles avec d’autres acteurs.. 