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GROUPE INDUSTRIAL PROJECT MANAGERS INTER : UN PROJET INDUSTRIEL COMPLEXE AU SERVICE D’UN DÉFI TECHNOLOGIQUE

Revue des Ingénieurs

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23/06/2022

Auteur : David GRANGE (P 2020 Docteur)

Dans le cadre d’une collaboration internationale unique, les Etats participant au projet ITER (Réacteur thermonucléaire expérimental international) explorent la faisabilité d’une production d’électricité par la fusion nucléaire. Ce qui est aujourd’hui un pari technologique est aussi un projet industriel d’une complexité non égalée.

 UN PROJET EXPÉRIMENTAL ET UNIQUE

Le projet ITER ambitionne de générer une énergie par fusion nucléaire de 500 MW avec un apport de chaleur 10 fois inférieur, en maintenant un plasma pendant 300 à 500 secondes, ce qui constitue une étape clé vers la maîtrise de la fusion nucléaire pour la production d’électricité. La collaboration internationale initiée en 1985 est aujourd’hui en phase de réalisation et de montage du Tokamak: le premier plasma est prévu pour 2025 et la démonstration pour 2035. L’organisation ITER compte 35 pays contributeurs, dont 7 membres principaux : l’Union européenne (représentée par une entreprise commune F4E — Fusion for Energy), ainsi que 6 pays représentés par des agences nationales, les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et la Russie.

Les objectifs scientifiques d’ITER sont conditionnés à la réussite de la fabrication du réacteur expérimental, ce qui constitue en soi un projet industriel d’une complexité singulière. Tout d’abord, la réalisation hérite d’incertitudes techniques inhérentes aux projets de recherche. La conception et la fabrication d’une machine de 25000 tonnes devant porter un plasma à 150 millions de degrés impliquent des défis inédits, par exemple pour la tenue des matériaux ou à la stabilité du plasma. La réalisation d’un premier réacteur à fusion expérimental de telles dimensions — dit “first of a kind”2 — implique également de gérer des imprévus lors de la fabrication des pièces et leur assemblage en un système fonctionnel et sûr. Pour ces raisons, ITER doit à la fois intégrer

les meilleures pratiques de gestion de projet et rester adaptable au progrès des équipes internationales de recherche. La supply chain du projet est également unique: les États membres participent par des dons en nature, c’est-à-dire par la réalisation de pièces. Les interfaces à gérer sont nombreuses et certaines pièces de même nature sont fabriquées par différents pays contributeurs.

 ENGAGE ET MOMENTUM, DEUX SOCIÉTÉS  POUR PARTICIPER AU MANAGEMENT DU PROJET

Hubert Labourdette a présenté au groupe IPM deux sociétés créées spécifiquement pour répondre à ces problématiques: Engage et Momentum. Engage est une entité d’ingénierie en charge de la conception, de l’architecture et de la supervision de la fabrication et des essais des bâtiments d’ITER (39 bâtiments industriels, donc 2 installations nucléaires, l’une hébergeant le Tokamak de 25 000 tonnes, l’autre destinée à la préparation et au retraitement du tritium). Momentum est un assistant de maîtrise d’ouvrage chargé de coordonner l’assemblage de 13 millions d’éléments constitutifs du site, qu’ils soient réalisés par l’Organisation ITER ou par des sous-traitants des agences domestiques des pays membres d’ITER. La construction de ces sociétés a été pensée pour convenir au caractère très international des instances de décision d’ITER : Engage est un consortium de 4 entreprises européennes (Assystem, Atkins, Iosis, Empresarios Agrupados) constituant une interface contractuelle claire avec F4E ; Momentum est constitué de 185 employés de 21 nationalités différentes. Dans cet environnement, Hubert Labourdette a insisté sur l’importance de former les employés aux particularités de communication de chaque pays, afin que les spécificités culturelles de chacun ne constituent pas une difficulté pour le bon déroulement du projet, mais plutôt un atout.

Au sein des consortiums, les experts sont mis à disposition  par les différentes entreprises en fonction de leurs compétences (principe du “meilleur athlète”). Engage doit ainsi assurer la cohérence entre des activités très variées : le système de planification 4D pour modéliser la logistique du chantier et éviter la congestion des zones de stockage, ainsi qu’un système de gestion des données de pièces issues de fournisseurs multiples, la supervision des équipements électriques et de la sûreté incendie, la prise en compte des opérations de maintenance dans la conception (notamment les réservations d’espace) ; ou encore les études de résistance des bâtiments aux différents scénarios d’accidents (perte de vide, séismes, etc.)

ACTUALITÉ DU PROJET

Soulignons également qu’ITER, initié lors d’une rencontre entre Reagan et Gorbatchev, a traversé des situations géopolitiques diverses, mais reste cependant soumis à l’aléa politique. 2022 devait être une année importante pour les livraisons russes, avec l’acheminement d’un certain nombre de pièces déjà fabriquées vers le site d’ITER à Cadarache, comme celui d’une bobine poloïdale actuellement en attente dans le port de Saint-Pétersbourg. Bien que l’agence domestique russe ait récemment confirmé qu’elle n’était pas concernée par le décret russe mettant fin à ses exportations technologiques, l’acheminement de pièces reste incertain en raison de la situation géopolitique actuelle. L’assemblage du tokamak devrait être engagé vers fin 2022. 

 

  1. Dispositif torique de confinement magnétique, conçu par des physiciens soviétiques dans les années 1960 et utilisé pour ITER
  2. Littéralement : premier de son genre

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