Auteur : Antoine PRUVO (E 2008 ICiv)
Un Mineur sait résoudre des problèmes complexes, c’est ce qui fait souvent sa plus grande force. Et pourtant ce même Mineur, si brillant soit-il, peut tomber bien bas à cause d’un ennui qui dure ou d’une fatigue intense: chute de motivation qui paralyse, arrêt de travail, ou départ précipité de l’entreprise. Alors, comment expliquer qu’un Mineur se retrouve désarmé face à la question de la connaissance de soi?
Olivier est bon élève à l’école et en prépa. En sortie d’école, il continue son chemin tout tracé en entrant dans une grande entreprise. Consciencieux, travailleur, il relève les défis des différentes missions qui lui sont confiées. Mais un jour, une nouvelle mission est infaisable : objectif inatteignable, injonctions contradictoires, relation toxique… C’est la dégringolade ! Olivier commence par s’ennuyer, puis est démotivé, mais il fait tout pour y arriver. Olivier finit par être épuisé, sa confiance en lui s’est effondrée. Il quitte l’entreprise dans une ambulance. Sa plus grande angoisse? Il ne sait pas ce qu’il va faire de sa vie professionnelle.
Comment un cadre brillant un jour peut-il tomber si bas ? Le burnout d’Olivier est-il causé par une faiblesse psychologique ? Si oui, alors pourquoi y en a-t-il autant aujourd’hui et pas avant? Peut-on être formé dans une école de premier rang, être bon en technique mais perdu quant à choisir sa voie professionnelle ? Itinéraire du Mineur qui veut éviter de passer à côté de sa vie.
Ce témoignage, c’est le mien, c’est aussi souvent celui des cadres que j’accompagne. Ce mal de notre siècle s’enracine dans quelque chose de beaucoup plus profond que la seule psychologie. Heureusement de nombreuses personnes savent s’extraire de cette situation avant d’en arriver à une telle extrémité.
Alors si Olivier en arrive là, c’est parce qu’il se conforme aux besoins extérieurs avant de partir de ses propres besoins. Et c’est bien naturel : c’est le chemin que nous empruntons tous, êtres humains, depuis la naissance. Nous nous appuyons sur nos parents pour grandir, puis sur nos chefs en entreprise, puis nous prenons notre envol petit à petit. Mais quand cet envol est brutal face à une difficulté, il y a risque de chute, qui peut être dramatique. Alors, comment éviter de tomber et mieux s’y préparer?
NOTRE HÉRITAGE, POINT DE DÉPART DE L’INTROSPECTION
- Qu’avons-nous vraiment choisi dans nos études et notre début de carrière ?
- Quel héritage avons-nous reçu de nos éducateurs?
- Qu’en avons-nous fait ?
- Quelle vision avons-nous du travail ?
- Qu’est-ce qui était valorisé dans notre milieu familial ?
- Qu’en avons-nous gardé?
- Quelles leçons avons-nous tirées de ce que l’on a vécu en entreprise ou dans nos engagements associatifs ?
- En un mot, d’où vient-on?
Ces questions essentielles sont le point de départ de la connaissance de soi.
CONNAIS-TOI TOI-MÊME: NOTRE TALENT
Si Olivier a accepté une mission inadaptée, c’est parce qu’il ne savait pas le genre de missions faites pour lui. Or vous avez sûrement remarqué par expérience que nous avons chacun une prédisposition naturelle au travail, une personnalité particulière qui fait que l’on fait ce que l’on fait d’une manière particulière. On l’appelle notre talent, cet élan intérieur qui nous pousse à transformer le monde d’une manière singulière. C’est une part de notre identité qui détermine ensuite notre psychologie et nos comportements. Cela n’a rien à voir avec la fameuse “gestion des talents” en entreprise, qui réduit le sens à une ressource à gérer. Rien à voir non plus avec ce que l’on apprend grâce aux tests psychologiques comme le MBTI, Pro- cessCom, DISC… qui ont pour champ d’application la psychologie et non l’identité. Ici, nous faisons un constat réaliste, anthropologique, de notre identité en regardant l’homme au travail : voilà qui plaira aux ingénieurs que nous sommes. Trois critères pour discerner si telle tâche fait partie de notre talent : est-ce qu’elle nous est facile à réaliser ? Est-ce qu’il y a une réussite objective ? Est-ce qu’elle nous procure de l’enthousiasme?
Et une fois adulte, ce talent varie très peu au cours de la vie. Voilà une bonne nouvelle : nous allons pouvoir bâtir notre vie professionnelle en découvrant quel est notre talent. Et comprendre pourquoi certaines missions nous ont particulièrement plu, et d’autres moins. Voilà pour- quoi Olivier, dont le talent est de penser à des choses nouvelles, ne peut pas être bon dans un projet opération- nel, qui demande d’exceller dans l’efficacité à court terme. Mais Olivier pensait que son talent était tout autre ! Ter- rible méprise qui le mena droit dans le mur. Et qui lui faisait attendre une reconnaissance extérieure qui ne venait jamais. Découvrir notre talent, c’est donc découvrir notre propre fonctionnement, le cœur du réacteur qui nous met en mouvement.
DEVIENS QUI TU ES
Une fois que l’on sait d’où l’on vient, et qui l’on est, il reste à savoir où l’on va. Quelle est la finalité de notre travail ? Ou dit autrement, qu’est-ce que l’on veut changer dans le monde ? Olivier recevait pour réponse : “fais de ton mieux” ou “assure la survie de l’entreprise”. C’est nécessaire mais non suffisant. Ce n’est pas cela qui nourrit la vie intérieure d’un homme au long cours. Et c’est ici aussi la différence avec le coaching qui aborde moins la question de la finalité du travail que des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de la personne. Nous pouvons creuser la finalité de notre travail par les aspi- rations profondes qui nous habitent. Vers quoi je peux entraîner les autres ? Quels sont mes rêves ou désirs ? Quelle description ferais-je du monde idéal sur terre ? Quelle serait mon utopie?
Voilà le chemin qui attend la personne qui se trouve à un tournant de sa vie - ou crise du mitan de la vie, qui cesse de se conformer aux attentes extérieures et veut devenir qui il est. Olivier a ainsi pu comprendre pour quoi il est fait, mettre des mots sur son fonctionnement, et quelle finalité il vise dans son travail. Fini l’ennui, fini l’épuise- ment! C’est grâce à cela qu’il a pu entamer avec sérénité un nouveau chemin professionnel. C’est aussi grâce à cela qu’il peut maintenant se réaliser à travers son travail.
CHEMIN DE CRÊTE PÉRILLEUX
Alors si vous sentez que vous pourriez être un jour cet Olivier, que vous ayez 30 ans, 40 ans ou 50 ans, il n’est jamais trop tard pour devenir qui vous êtes. La crise de burnout et de sens au travail n’est-elle pas un appel à entrer dans ce qui se passe à l’intérieur de nous-mêmes, dans notre fonctionnement, dans notre vie intérieure ? Oui, il faut sans doute de la prudence et du courage, mais n’est-ce pas cette quête qui fera de nous un être humain dans sa plénitude ?
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