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UN RÉSEAU INTERNE LGBT+

Revue des Ingénieurs

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19/09/2022

Auteur : Anthony MAZZENGA (P 2002 ICiv)

 L’inclusion des personnes LGBT+ fait encore débat en entreprise. Pourtant, une politique proactive est une évidence pour développer l’engagement, la politique talents et la performance commerciale. Pour réussir, les entreprises peuvent compter notamment sur leur propre salariat qui comprend des personnes LGBT+.


 


 L’ENTREPRISE, UN MONDE ENCORE TROP SOUVENT LGBTPHOBE

La reconnaissance des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans, et plus généralement de l’ensemble des minorités sexuelles incluses sous le vocable LGBT+, est de moins en moins sujette à débat en France. Longtemps considérées comme la norme puis comme des opinions acceptables, l’homophobie et la transphobie constituent désormais des délits et les personnes LGBT+ ne sont plus cantonnées aux marges de la société.

Cependant cette reconnaissance s’arrête encore à la porte de trop nombreuses entreprises. L’orientation sexuelle et l’identité de genre y sont souvent renvoyées à la sphère privée, en entretenant la confusion entre aspects privés et publics de la sexualité. S’épandre à la machine à café sur ses pratiques intimes est évidemment inacceptable, quelle que soit son orientation sexuelle. À l’inverse, les personnes hétérosexuelles ne se posent jamais de question avant d’afficher la photo de leur partenaire de vie dans leur bureau, pourquoi devrait-il en être autrement pour les LGBT+?

Certaines entreprises se contentent d’une approche de pure conformité réglementaire, au même titre que les autres politiques diversité réglementées, en apposant les mentions légales sur leur site de recrutement et leur Intranet. L’absence de tout signalement remonté par “gouine”. L’enquête menée par le Boston Consulting Group en 2021 montre d’ailleurs le décalage de la France où seules 8% des personnes LGBT+ considèrent la visibilité comme un avantage au travail, loin derrière la moyenne internationale pourtant peu reluisante à 24% (enquête sur 19 pays avec 8800 réponses).

L’INCLUSION EST UN LEVIER DE PERFORMANCE POUR L’ENTREPRISE .

Les entreprises ont pourtant tout à gagner à s’intéresser à l’inclusion pleine et entière des personnes LGBT+. Les entreprises anglo-saxonnes l’ont d’ailleurs bien compris. Quel que soit leur secteur d’activité, elles affichent fièrement leur engagement assumé à travers le descriptif de leurs nombreuses actions et les témoignages de leurs collaborateurs et collaboratrices. La culture d’entreprise française est bien sûr différente mais l’intérêt du sujet reste le même.

C’est une évidence : offrir un cadre de travail serein au personnel LGBT+, à commencer par assurer son intégrité physique et mentale, est une condition nécessaire pour exiger de chacun et chacune un engagement dans la réussite de l’entreprise. Craindre de subir une agression de la part d’un ou une collègue sans pouvoir compter sur le soutien de sa hiérarchie ou être systématiquement sur ses gardes même dans les interactions sociales les plus anodines, autant de situations qui empêchent les personnes LGBT+ de donner le meilleur de leur performance. Si les personnes LGBT+ sont les premières concernées par la question de l’inclusion en entreprise, de nombreuses personnes en position de proches de personnes LGBT+ ou simplement alliées souhaitent également travailler dans un environnement respectueux de tous et toutes.

Le recrutement et la fidélisation des talents sont un autre aspect. Tuons ici les stéréotypes qui sont une autre forme de LGBTphobie : non, les personnes LGBT+ n’ont pas une sensibilité exacerbée, pas plus que les personnes d’origine africaine ou asiatique auraient respectivement le sens du rythme ou des mathématiques! Le sujet n’est pas là mais dans la capacité de l’entreprise à attirer et fidéliser les meilleurs talents, quelles que soient leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Si elle se prive d’une partie du vivier à défaut d’un environnement inclusif, cela se traduira par un désavantage concurrentiel d’autant plus dommageable sur les métiers en tension. Le sujet n’est pas théorique : selon l’enquête BCG x Têtu 2020, une culture d’entreprise LGBT-friendly arrive en 2e position, juste après le niveau de salaire, comme critère de choix d’entreprise des talents LGBT+.

Enfin, la dimension commerciale ne doit pas être occultée. La sincérité des drapeaux arc-en-ciel mis en avant par certaines marques en espérant attirer une clientèle LGBT+ peut légitimement questionner : on parle désormais de rainbow washing. À l’inverse, certaines approches témoignent d’une démarche d’entreprise plus globale et sincère. Ainsi, BNP Paribas a lancé en 2021 une carte bleue inclusive sur proposition de son collectif LGBT+, concrétisant son engagement historique : au-delà du drapeau arc-en-ciel, le fait de pouvoir choisir son prénom sur la carte témoigne d’une réelle prise en compte des attentes de la clientèle concernée par une transition de genre. Le BtoB n’est pas en reste : offrir un cadeau “pour votre femme” à un prospect gay n’est pas la meilleure approche pour développer une relation privilégiée.

PASSER À L’ACTION: OUI MAIS COMMENT?

La prise de conscience des difficultés quotidiennes des personnes LGBT+ et de l’intérêt de l’entreprise n’est pas toujours suffisante au vu des complexités rencontrées. En particulier, le vocable générique LGBT+ recoupe une diversité de situations qui peut faire craindre de mal faire, du management de terrain jusqu’à la direction RH.

Les entreprises peuvent évidemment se tourner vers les associations et réseaux spécialisés dans l’inclusion des personnes LGBT+ en entreprise, comme l’association l’Autre Cercle, pionnière en France notamment à travers sa charte d’engagement, ou comme le think tank Têtu Connect. Par les ressources qu’elles publient et leurs actions, ces organisations sont des aides pour faire les premiers pas vers une politique d’inclusion. Les entreprises ont surtout intérêt à s’appuyer sur les personnes LGBT+ et alliées en interne, au même titre que les réseaux de femmes qui agissent pour l’égalité professionnelle.

Les collectifs plus ou moins spontanés et structurés permettent de partager un diagnostic concret sur les principales difficultés à résoudre, de faire émerger des actions adaptées, de valoriser les rôles modèles ou bien encore de traiter les situations en écart qui n’auraient pas été signalées autrement. Évidemment, la mise en place d’une politique minimum en faveur de l’inclusion est un préalable indispensable pour sécuriser l’engagement des personnes LGBT+ dans de tels collectifs: charte collective, sponsor dans l’équipe dirigeante, responsabilité RH dédiée…Le respect du choix d’être visible ou non est également un prérequis. À ce titre, les outils IT apportent des solutions utiles: groupes de discussion fermés ou ouverts sur les réseaux sociaux internes, boîte mail générique administrée par des collègues LGBT+ pour assurer la confidentialité… S’appuyer sur les idées et le ressenti des personnes directement concernées est le meilleur gage d’une politique efficace et adaptée.

J’espère que cet article de sensibilisation et de témoignage aura le mérite d’encourager les entreprises à s’engager d'avantage et inciter les camarades LGBT+ à créer des collectifs en entreprise ou à s’engager dans ceux existants où les personnes alliées sont également bienvenues.

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