Auteur : François VERNOUX (N 1984 ICiv)
“Je ne me prépare pas, je gémis déjà” a dit Leonard De Vinci. Ne gémissons pas à la prochaine crise, qu’elle soit une inondation, un accident industriel ou la seconde vague du Covid-19.
Les pâtes ont migré d’un stock vers un autre, des rayons aux placards... Preuve du manque de confiance envers l’État.
Pourtant, par la loi de 2004 (modernisation de la sécurité civile), le citoyen a été promu premier acteur de sa sécurité et artisan de la sauvegarde collective.
Est-ce la fin de l’État protecteur ? Non ! Mais le “Dormez braves gens” a laissé place au nouveau dispositif ORSEC (2008) qui énonce que toutes organisations, entreprises et tous citoyens sont concernés. Ils doivent se préparer aux risques répertoriés dans les DDRM (Document départemental des risques majeurs - décret de 1990) avec leurs moyens et capacités pour agir en concertation, coordonnés par les préfets. “L’État c’est moi” devient “l’État c’est nous” ! Le citoyen est acteur de la gestion collective de la crise par ses actions ou simplement par son comportement comme nous le prouve la crise sanitaire actuelle. Seul, il ne gère au mieux que le court terme. En jouant collectif, il peut gagner s’il croit en l’équipe au sein de laquelle il s’est entrainé.
Un peu d’histoire :
Fin 1999, nous attendions le bug informatique et nous avons subi deux tempêtes.
2001 : inondations de la Somme, et dix jours après New York, AZF.
2002 : feux de forêts et inondations meurtrières.
2003 bis repetita : feux et inondations...
LA FRANCE SE RÉVEILLE ET CHANGE DE POLITIQUE Dès 2002, l’Éducation nationale a imposé à chacun de ses établissements la rédaction de leur PPMS (Plan particulier de mise en sureté) qui seront complétés en 2017 par un volet “intrusion-attentats”. La quasi-totalité des établissements se sont dotés rapidement de PPMS opérationnels dont ils vérifient la validité régulièrement par des exercices interservices. Cela mérite d’être salué.
Les installations à risques (nucléaire et Seveso) confortent leurs planifications (PUI, POI, PPI). En 2006, douze secteurs sont qualifiés d’activités vitales et 249 OIV (organisation d’importance vitale) sont désignées. Les plans de continuité d’activités (PCA) s’imposent et sont adoptés. Naturellement, les ERP et IOP (établissement recevant du public et installation ouverte au public) font l’objet d’attentions, de réglementations affinées et de contrôles.
2004 : la loi confie aux Maires la sauvegarde de leur population. Le Maire était déjà DOS (directeur des opérations de secours) tant que sa commune était seule concernée. Le seuil franchi, c’est le Préfet qui est DO (directeur des opérations police et secours). La sauvegarde complète les secours et les préserve. Prenons en exemple un incendie d’immeuble. Les pompiers vont intervenir dans un périmètre sécurisé par la police pour circonscrire le feu, extraire les sinistrés... Les victimes seront prises en charge et dirigées vers les établissements de santé, les autres ne pourront peut-être pas retourner dans leur logement. Leur prise en compte ne nécessite pas pour autant l’intervention des services régaliens (dont la formation est rare et ne doit pas être gaspillée). Les municipalités qui connaissent la commune avec ses ressources et ses potentiels sont les mieux placées pour agir. Mais la sauvegarde ne se limite pas à la conduite des opérations en urgence, elle concerne aussi la prévention des risques, les protections des personnes, des biens et de l’environnement sans négliger le soutien post-crise... C’est donc une mission de proximité qui concerne les maires du premier au dernier jour de leur mandat. Le maire est le chef d’un orchestre où élus, agents municipaux, commerçants, artisans... citoyens ont chacun une partition.
LE CITOYEN LE SAIT-IL ?
Combien de citoyens ont-ils lu leur DICRIM ? Ce document d’information communal sur les risques majeurs décrit les risques qui peuvent impacter la commune et présente le dispositif municipal ad hoc. Il rappelle les bons comportements à adopter et les gestes qui sauvent. Engagé dans la réserve communale de sécurité civile, enregistré comme citoyen ressource (pharmacien, superette, boulanger, cultivateur avec son tracteur...), acteur familial ou individuel, le citoyen peut selon ses moyens et capacités devenir ARTISAN de la sauvegarde communale conformément au PCS (plan communal de sauvegarde) orchestré par le Maire.
Combien de municipalités disposent d’un PCS à jour et opérationnel faisant l’objet d’exercices (contrôles des plans et de l’entrainement des acteurs) ? Trop peu malheureusement. Espérons que la crise actuelle prouve aux incrédules qu’aucune commune n’est à l’abri de catastrophes. Les municipalités qui avaient eu la sagesse post crise H1N1 de se doter d’un volet pandémie ont pu agir rapidement et efficacement en assistance de leur population. Celles qui disposaient d’un dispositif opérationnel pour faire face aux risques “classiques” ont pu facilement s’adapter (j’ai fait un webinar pour les y aider : 641 participants). Les autres ont dû agir sans préparation et malheureusement les erreurs furent nombreuses.
JE FAIS LE RÊVE...
- de ne plus voir des stocks ne pas être entretenus pour des gains financiers au point que les responsables ainsi dépourvus imposent des mesures qui vont couter très cher. La prévention et les protections sont toujours rognées par les gestionnaires-comptables. Le jour de la crise, les remords se ramassent à la pelle et la facture est alors démesurée. La France a la chance de disposer de planifications malheureusement ignorées et de normes protectrices malheureusement combattues car considérées à tort comme entraves.
- du retour des services régaliens dotés suffisamment pour agir afin que le citoyen puisse être le premier acteur de sa sécurité et participe efficacement et sereinement à la sauvegarde collective. Ceux qui ont cru que l’engagement du citoyen pouvait leur permettre de baisser la garde régalienne ont favorisé l’avènement de cette crise. Le dévouement et l’engagement du corps médical méritent d’être salués car ce maillon usé, fatigué et fragilisé de la chaine nationale a dû faire face et a su faire face.
JE FAIS LE RÊVE D’UN CITOYEN...
- aiguillon de son entreprise afin qu’elle soit prête à intervenir au sein du dispositif ORSEC. Ingénieurs, nous sommes concernés au premier chef.
- aiguillon de sa municipalité pour qu’elle se dote ou entretienne un dispositif de sauvegarde opérationnel faisant appel à la solidarité et à l’entraide de chacun selon ses moyens. Trop rares furent les candidats aux dernières élections ayant abordé ce sujet dans leur programme. Réclamez votre DICRIM, consultez le PCS !
- sensibilisé et informé, adoptant les bons comportements : ne mettant pas sa vie en danger pour une photo face à la nature déchainée ou pour une voiture en parking inondé.
- ayant préparé sa famille à affronter toutes les crises. Je vous conseille de remplir votre PFMS (plan familial de mise en sureté), petit guide pour se préparer en famille à un confinement ou à une évacuation tout en répertoriant quelques bonnes préventions ou protections comme ne pas garer sa voiture au bord de la rivière en vigilance météo. Vous ne le regretterez pas si vos enfants sont alors seuls. Les familles ainsi préparées n’ont pas participé à la razzia sur les pâtes.

Commentaires0
Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire
Articles suggérés