NOTRE RAISON D’ÊTRE, C’EST LE PARTAGE D’EXPÉRIENCES DES ALUMNI, AU BÉNÉFICE DE TOUS
Auteur : Corentin Loirs
Vous êtes à la tête de l’Association depuis 2022, et membre de son conseil d’administration depuis 2008. Quels sont vos principaux chantiers pour les mois à venir ?
Le grand chantier important, visible et directement perceptible, est la mise en sécurité de la Maison des Mines et des Ponts (résidence d’étudiants de 224 chambres et 432 lits, située au cœur du Quartier latin, entre le Panthéon et le Val de Grâce. Elle existe depuis 1932. NDLR). C’est d’ailleurs le chantier mené par l’équipe qui m’a porté à la présidence. Je ne suis en effet qu’une partie de l’équipe qui s’est mobilisée sur la Maison des Mines: il n’y avait auparavant pas d’équipe, plutôt quelques personnes dont l’action n’était pas jugée à la hauteur de l’enjeu. Notre équipe a hérité d’un tas d’autres sujets, notamment le sujet de l’affectio societatis des Alumni : pourquoi cotisent-ils ou pas ?
Quel est le positionnement de l’association par rapport à l’École et à la Fondation ?
Nous avons mis en place des réunions mensuelles avec le directeur de l’école et le directeur de l’enseignement ainsi qu’avec la Fondation. À chaque fois qu’on soulève un caillou, on se dit que ça vaut la peine de le mettre ailleurs ou de le nettoyer! C’est la difficulté des associations: elles ne sont constituées que de bénévoles, et le malheur c’est que souvent ces bénévoles sont soit des retraités qui n’estiment pas avoir de pression par rapport aux résultats, soit des gens en activité professionnelle qui priorisent, très souvent et c’est naturel, leur activité professionnelle aux dépens de leur activité associative. On ne peut pas leur en vouloir! Mais le système peut pourrir dans le cas où les gens ne se sentent obligés à rien. On ne voulait pas laisser l’association mourir comme ça : nous sommes aujourd’hui une équipe de 6 personnes très actives – trois réunions d’une heure par semaine – qui se coordonne et fixe ses actions. À cela s’ajoute une réunion par mois avec le DG Vincent Laflèche, le directeur de l’enseignement Frédéric Fontane, le Conseil d’Administration, le Bureau, Intermines…
Christian Michaud (P89) s’est historiquement rapproché de l’École pour obtenir des connaissances auprès des professeurs qu’il a pu avoir pour leur demander, en tant que dirigeant, les piqûres à haute pression de connaissance qu’ils pouvaient lui donner pour être pertinent sur certains sujets industriels. Quoi de plus naturel que l’École qu’on estime le plus pour compléter sa formation initiale ? Nous avions étudié ce sujet avec Romain Soubeyran (NDLR : ancien directeur de l’école, auquel a succédé Vincent Laflèche) dès 2014, et un sondage auprès des Alumni à l’époque avait révélé leur intérêt, en particulier sur les sujets de leadership et de management. Le LLL (Life Long Learning, apprentissage tout au long de la vie) n’a pas accroché au changement de direction, marqué par d’autres problématiques. Mais aujourd’hui, ce sujet est pris en main par quasiment toutes les grandes écoles, qui créent leurs services d’Executive Education.
Le positionnement des ExEd est cependant orienté vers les personnes n’ayant pas fait l’École, c’est d’ailleurs le cas de Mines Executive Education. Ce sont plutôt les Mineurs qui indiquent aux membres de leurs équipes de suivre ces cours et enseignements. Ce qu’on compte mettre en place, ce sont des injections haute pression/ haute vitesse de connaissance qui permettent de monter en compétence : des formations très courtes ou du fléchage de contenu pédagogique pour permettre aux Alumni de compléter leurs connaissances quand ils en ont besoin ou quand ils ont une pause dans leur carrière. Frédéric Fontane, directeur de l’enseignement, est moteur sur ce sujet, mais il se dit ne pas être légitime car il n’a pas le contact direct avec les Alumni. Nous organisons donc le LLL en synergie avec l’École, son matériel et ses enseignants. Les plus petits cours font partie de la cotisation et les cours un peu plus “costauds” sont à payer en sus de la cotisation. Aujourd’hui les planètes s’alignent, tout le monde est d’accord pour mettre ça en place !
Quelles difficultés rencontrez-vous à faire adhérer les Mineurs à l’Association et quelles sont vos actions ? Que diriez-vous à un Mineur à sa sortie de l’Ecole pour le convaincre d’adhérer ? Et à un Doctorant qui va soutenir sa thèse ?
C’est un sujet qui nous fait beaucoup discuter. Nous avons une baisse des cotisations, notamment des promotions des 20 dernières années. 10 % des mineurs de ces promotions cotisent, contre 20, 30 à 40% pour les promotions précédentes. Est-ce que ces promotions vont rester à 10% de taux de cotisation ? Dans ce cas, le modèle économique de l’association est en péril : passer de 30 à 40% de taux de cotisation moyen à 10 à 12% divise par trois le budget de fonctionnement de l’association Jusque-là, pour les raisons que j’évoquais en introduction sur le modèle associatif et “best-effort”, l’association a eu du mal à quantifier l’efficacité de ses services (Carrière, Life Long Learning, Recrutement…). Très concrètement, par exemple, le service de Recrutement permettait de poster des offres mais le site Intermines n’était pas visité, majoritairement parce que les mineurs ne pensaient pas à aller sur le site ! Il faut trouver le bon équilibre entre envoi de messages ciblés avec les canaux adaptés, le coût… Récemment, un Alumni recherchant quelqu’un pouvant concevoir une de ses nouvelles usines a eu 200 réponses pour un envoi aux 32 000 camarades des Mines de Paris, Saint-Étienne et Nancy. C’est un exemple de service très concret rendu par l’association, mais on ne peut pas envoyer douze mails par jour à tous les mineurs! Nous sommes en train aujourd’hui, service par service, d’évaluer leur intérêt et leur qualité plutôt que de chercher à augmenter leur volume.
Au-delà du service rendu, nous cherchons également par ces services à faire remonter le taux de cotisation, mais nous ne sommes pas certains qu’augmenter la qualité des services face augmenter le taux de cotisation des jeunes promotions: elles n’ont généralement, et heureusement, pas besoin de beaucoup d’aide pour leur carrière jusqu’à 5-10 ans après la sortie de l’École. Mais dans mon cas par exemple, je me dis que ma carrière aurait été peut-être plus riche si j’avais consulté mon réseau à cette époque plutôt qu’en me laissant “porter par le vent”! Aujourd’hui, nous cherchons à faire passer ce message de gestion proactive de sa carrière à 60-70% de ces promos non cotisantes. Ce dont on se rend compte, c’est qu’au bout de 10 ans et de deux changements de job, les gens commencent à se poser des questions et recommencent à cotiser. Aujourd’hui deux questions se posent: • Est-ce que l’amélioration des services permettra de faire remonter le taux de cotisation ?
Est-ce le rôle de l’association que de faire du recouvrement (relances pour aller chercher les cotisants) ?
Le temps passé sur ces relances administratives pourrait servir à développer le réseau. Nous étudions aujourd’hui, comme beaucoup d’autres écoles l’ont fait, d’établir une cotisation dans les frais de scolarité qui permet à l’Association d’avoir un budget de fonctionnement stable. Certains Alumni ne cotisent pas pour les services, mais pour entretenir une communauté à laquelle ils appartiennent et s’identifient.
Un mot sur le financement de l’Association?
Nous essayons de faire vivre l’association telle qu’elle est, en améliorant nos services et rendant l’acte de cotisation plus souple et ergonomique. Nous comptons également sur le LLL et la diffusion d’offre d’emploi pour générer des revenus additionnels. Mais si dans 1 à 2 ans nous nous rendons compte que la solution est de faire comme HEC, Emlyon, Centrale ou Polytechnique, nous ferons entrer dans les frais de scolarité la cotisation et nous arrêterons de faire du recouvrement. Le débat n’est pas tranché !
Quelles initiatives pour renforcer le lien entre Mineurs ?
Ce qui marche super bien depuis une dizaine d’années, c’est le mentorat. Cela doit faire 6 ou 7 mentorés que j’ai et je suis toujours en relation régulièrement avec les premiers. J’ai créé une relation
personnelle et dans la durée avec eux. Chez les Mineurs, chacun connaît sa promotion pour l’avoir vu au moins en cours ou dans les associations. On connaît un peu mieux un cercle de 10-15 camarades de promotion proches. Mais depuis la refonte des cycles (séparation des promotions avec des trimestres pour certains à Sophia-Antipolis) et la démocratisation des césures, cela devient compliqué de connaître la promotion N+1, N+2 et N+3. C’est dommage ! Je pense aux médecins qui recommandent souvent dans leur promotion car c’est la seule qu’ils connaissent. On s’est rendu compte que l’association joue un rôle encore plus important aujourd’hui qu’il y a 20 à 30 ans: faire se connaître toutes les promos entre elles. À la fois les 5 promotions que l’on pouvait rencontrer pendant sa scolarité, mais les 40 à 50 ans de promotions précédentes! L’association permet aux jeunes de discuter avec des personnes déjà passées par là, pour tordre les idées reçues ou confirmer des impressions, que ce soit dans le domaine personnel ou professionnel. La transgénérationalité est également très importante du point de vue de la carrière pour les moins jeunes: du jour au lendemain, des pans d’un réseau peuvent sortir de la vie économique, ce qui peut entraîner perte de collègues, de soutiens ou de clients. La transgénérationalité permet aux plus anciens de rester en contact avec le marché ! Quelle est la raison d’être de l’Association? Justement, nous avons fait deux ateliers sur la raison d’être de Mines Paris Alumni : ce qui est ressorti, c’est le partage d’expériences des Alumni au bénéfice de leur réseau et du Monde. L’association est là pour permettre aux jeunes et aux moins jeunes de partager leur expérience et de demander conseil. Le partage va même au-delà de la communauté des Mineurs! Cela peut sembler évident, mais il faut bien le formaliser et l’assimiler.
Comment renforcer le rôle de La Revue vis-à-vis de l’Association? Comment développer le lien entre la Revue et les jeunes générations de Mineurs ?
Le constat, c’est que beaucoup des articles ne sont pas retrouvables facilement sur les deux premières pages de résultat Google ou sur Wikipédia : ils sont originaux et leur fond est intéressant. Mais cette revue n’est aujourd’hui pas nativement indexée sur Internet. Il faut aujourd’hui donner de la visibilité à la Revue, à ses articles, leur auteur et leur École. Il faut ouvrir la Revue comme source d’information d’excellence ouverte aux auteurs et à un public au-delà des Écoles des Mines.
Un message à l’École ?
Continuons à œuvrer ensemble, chacun avec son positionnement, au service des élèves présents et futurs, des Alumni et de la société. Je précise élèves futurs également, car l’année dernière en Île-de-France, 10 % des places en prépa n’ont pas trouvé preneur. Il y a une véritable désaffection pour les classes préparatoires. Nous avons un rôle pour les générations futures, les attirer vers les carrières d’ingénieur; réduire dans cette filière les inégalités sociales, de genre ou d’origine et garantir que des personnes compétentes scientifiquement et techniquement à la tête des entreprises et des ramifications de l’État.
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