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LE REGARD DÉCALÉ

Revue des Ingénieurs

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01/03/2023

Auteur : Jean-Frédéric COLLET (N 1968 ICiv)

 A comme agroalimentaire, mais aussi comme arbitraire : pour cette rubrique il a fallu faire des choix. On a délibérément écarté la dimension économique et sociale du sujet, de la description des circuits de distribution aux fresques sur la condition paysanne, pour ne voir que ce qui se passe en bout de chaîne – c’est à dire autour de la table. Choix aussi, celui des œuvres de fiction au détriment de la profusion d’ouvrages utilitaires qui nous donnent ou prétendent nous donner les clés d’une alimentation saine et équilibrée.

Une fois la sauce ainsi réduite, il reste l’embarras du… choix. Quel est le film où l’on ne trouve pas, à un moment ou à un autre, les protagonistes autour d’une table pour une franche explication qui fera progresser l’intrigue, ou simplement dans une scène de transition qui permettra au spectateur de se reposer un peu avant que la dite intrigue ne reparte de plus belle ? Il est temps d’en venir au plat de résistance.

Sélection.

À tout seigneur tout honneur, a-t-on envie de dire : La grande bouffe (Marco Ferreri, 1973), le suicide collectif de quatre hommes, quatre notables, qui, fatigués ou déçus par leurs vies, mangent jusqu’à ce que mort s’ensuive. Qu’on ait vu le film ou pas, chacun pourra d’expérience ou d’instinct choisir le qualificatif qui lui convient : choquant, troublant, dérangeant, écœurant, appétissant...

Toute autre est l’atmosphère du Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987), d’après une nouvelle de Karen Blixen. Dans un village isolé du Danemark à la fin du 19e siècle, une communauté sous l’influence rigoriste d’un pasteur luthérien pourtant décédé depuis longtemps, recluse dans les rancœurs et les frustrations, se réconcilie lors d’un repas préparé par une servante française échouée là quelques années auparavant, un festin venu de nulle part...

Une mention particulière à Nous nous sommes tant aimés (Ettore Scola, 1974). Trois copains qui ont combattu ensemble en 1945 pour la libération de l’Italie se retrouvent, trente ans après. Les relations entre les protagonistes et leur belle inspiratrice se nouent et se dénouent, à des moments-clés du film, autour d’un plat de spaghetti dans la trattoria qui leur est familière.

Signalons, c’est une nouveauté de l’époque et ça ne mange pas de pain, les émissions télé sur la bouffe, plus ou moins déguisées en compétitions pour y mettre un peu de piment, et dont le succès laisse perplexe. Y cherche-t-on un refuge ? Plonger le nez par procuration dans les fonds de casserole est une forme d’évasion domestique, une manière d’échapper à ce qu’il peut y avoir d’angoissant dans l’actualité : les tensions économiques, l’urgence climatique, la guerre à nos portes… Mais là on sort du sujet.

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