Auteur : Yves Bienvenu, Professeur à Mines Paris-PSL, chercheur au centre des matériaux
À Évry-Corbeil, le Centre des Matériaux Pierre-Marie Fourt jouit d’une longue histoire et réunit des compétences et moyens scientifiques de stature internationale
Le Centre des Matériaux a été fondé en 1967 suite à un accord-cadre entre Snecma et l’École des Mines de Paris à l’initiative de Pierre-Marie Fourt (dont il porte le nom), avec la contribution d’une équipe nancéienne dirigée par Michel Turpin. Le Centre des matériaux s’installe donc en 1967 dans les locaux de la Snecma à Évry après une période initiale au 60 boulevard Saint-Michel à Paris. Cette installation répondait pour Snecma, alors en pleine expansion, au besoin de s’appuyer sur une recherche académique pour concevoir dans de meilleures conditions de nouveaux turboréacteurs pour la Défense nationale et l’aviation civile. Mentionnons aussi l’importance des relations entre Framatome (créé en 1958) et le Centre des matériaux qui a formé de nombreux docteurs engagés par Framatome (ou le CEA) pour participer à l’effort industriel voulu par le gouvernement pour assurer une plus grande indépendance énergétique nationale. Sur le plan de l’aménagement du territoire, l’installation du Centre, comme celle de la Snecma à Évry, participe à la politique d’aménagement du territoire mise en place, sous la direction du Délégué général au District de la région de Paris, Paul Delouvrier, à partir du milieu des années 1960. D’autres formations supérieures rejoindront l’École des Mines à Évry, comme l’INT, Institut national des télécommunications, devenu IMT (Télécom Sud-Paris et IMT Business School), l’Université d’Evry Val d’Essonne, l’ENSIIE… toutes membres de l’Association ESSI (Evry Sénart Science et Innovation) dont le principal objectif est l’animation scientifique de la Communauté d’Agglomération Evry-Sénart. La croissance du Centre des matériaux étant limitée (à environ 120 personnes) par l’espace disponible dans les locaux Snecma, le Centre déménage à 1 km en 1994 dans de nouveaux locaux de la délégation de l’École des Mines (6 000 m2 ), conçus pour accueillir 200 personnes.
LES ACTIVITÉS DU CENTRE
Les activités du Centre visent la maîtrise des matériaux de structure utilisés dans les secteurs de l’énergie, de l’aéronautique, de l’automobile et de la mécanique ; et aussi la maîtrise de matériaux dits fonctionnels, possédant des propriétés physiques ou des morphologies particulières pour la conversion de l’énergie et son stockage, pour la filtration et les échanges thermiques, pour la connectique et l’électronique de puissance et des biomatériaux pour applications “médicales”. Cette maîtrise des matériaux et des structures l’amène à couvrir leur cycle de vie, leur conception, élaboration et les assemblages, les contrôles non destructifs, la prédiction de la durée de vie, la réparation et le recyclage…
L’ambition du Centre est de réaliser une recherche scientifique de qualité profitant à l’industrie et à la société, de valoriser les résultats de ses recherches, tout en participant à la formation des deuxième et troisième cycles (plus de 600 docteurs formés au Centre des Matériaux à ce jour). Son personnel offre une vaste palette de compétences (physico-chimistes, mécaniciens et numériciens…). Le Centre est également une Unité Mixte de Recherche du CNRS (UMR 7633), qui appartient à l’Institut des Sciences de l’Ingénierie et des Systèmes (INSIS) et fait partie de la Fédération francilienne Mécanique des Matériaux, Structures, Procédés (F2M-msp).
L’effectif du Centre, de l’ordre de 180 personnes comprend 36 enseignants-chercheurs, 42 ingénieurs, techniciens et administratifs environ 80 doctorants et une vingtaine de visiteurs, stagiaires, collaborateurs et enseignants-chercheurs d’autres institutions venant faire leur recherche au Centre. La vie du Centre est rythmée par des réunions des différentes instances (comité de direction, avec des représentants des pôles et des plateformes expérimentales et du département Mécanique et Matériaux de l’école des Mines, conseil de laboratoire avec des élus, comité d’hygiène et de sécurité également avec des membres de droit et des élus)
LA STRUCTURE DU CENTRE
3 pôles de recherche et 5 plateformes expérimentales composent le Centre : Le pôle GEM – Genèse et Évolution des Microstructures – étudie la fabrication de matériaux par coulée, métallurgie des poudres, assemblages, fabrication additive. L’évolution peut comprendre des transformations de phase : solidification, diffusion, germination, croissance, des déformations pouvant résulter en recristallisation, croissance de grains, texture, des transformations en surface sous l’effet de l’environnement oxydation, corrosion, irradiations… Le pôle MEM – Mécanique expérimentale et matériaux (métaux, polymères et composites, biomatériaux, céramiques et réfractaires) – étudie le comportement mécanique à des échelles allant de la dizaine de microns à des tailles centimétriques, et dans une large gamme de température (77-2000 K). L’accent est mis sur l’évolution de la microstructure en cours de chargement thermomécanique. Le pôle SIMS – Simulation des Matériaux et des Structures – son objectif est de disposer de bonnes représentations du comportement et de la rupture des matériaux de toutes classes dans des codes de calcul. Des études avec une forte composante numérique incluant le développement des logiciels aboutissent au développement d’une mécanique digitale, au calcul des structures et microstructures et à la prise en compte numérique des instabilités, de l’endommagement et de la rupture. ZéBuloN, le code aux éléments finis, fait partie de la suite numérique Z-set dédiée à la mécanique des matériaux et au calcul de structures co-développée par l’Onera, le Centre des Matériaux et la société NW Numerics. Cinq plateformes expérimentales, dont les techniciens et ingénieurs, permettent la bonne marche des équipements et techniques communes du Centre pour la caractérisation expérimentale, la caractérisation mécanique, l’utilisation des procédés innovants mais aussi pour la simulation numérique.
L’ÉQUIPEMENT DU CENTRE
Il permet de couvrir l’intégralité de la chaîne entre la “bonne idée” et le “bon produit”: • fabriquer à petite échelle des matériaux, les mettre en forme (fabrication additive procédés LPBF, MBJ, projection plasma et coldspray, laminage), les traiter thermomécaniquement; • caractériser leurs propriétés physico-chimiques (analyse thermique, dilatométrie, thermogravimétrie); • caractériser leur constitution et microstructure en microscopie optique, électronique à balayage et à transmission, microanalyse X; • caractériser leur comportement mécanique et leurs modes d’endommagement y compris sous environnement sévère avec bien souvent du matériel d’essais conçu et réalisé au Centre, en particulier pour les études sous tomographie X (accès aux synchrotrons ESRF Grenoble, Karlsruhe, Soleil).
BUDGET ET VALORISATION
Le budget annuel du Centre (hors investissements) est d’environ 10 M€. Près de la moitié provient de la recherche sur contrat (200 contrats par an avec plus de 40 partenaires industriels ou des ministères et agences de l’Etat, la Communauté européenne (< 10%) et 2 chaires de mécénat – “Big Méca” (Safran) et “DEEP” (Hutchinson) –, et une chaire industrielle MESSIAH (hydrogène et matériaux). L’autre moitié se composant de la dotation de la recherche par l’école pour un peu moins de 40%, le CNRS (salaire de ses agents et une dotation pour environ 6%), le complément étant apporté par les bourses versées par les industriels à leurs doctorants CIFRE en formation au Centre. La valorisation peut prendre plusieurs formes. Les brevets, la suite numérique Z-set et les savoir-faire plus généralement peuvent intéresser l’industrie (France et étranger), et les redevances associées contribuent à l’équilibre budgétaire.
À l’inverse, l’amorçage de recherches prospectives et innovantes, à notre initiative ou sur demande d’industriels à travers des prestations de recherche en grande partie assurées par les plateformes, peut déboucher sur le lancement d’un projet de thèse. Par exemple, une simple expertise métallographique de mousses de nickel en 1994 a conduit à 10 ans de recherches à travers 4 thèses pour alléger les batteries Ni-MH des véhicules hybrides et réduire leur coût de fabrication. Elle a ensuite débouché sur une diversification sur d’autres mousses métalliques pour filtres à particules de véhicules Diesel, aboutissant à la création avec les partenaires étrangers d’une société produisant ces filtres dans 3 usines (Europe et Asie).
IMPLANTATION FUTURE À VERSAILLES-SATORY
Le Centre des Matériaux s’installera avec le Centre d’Efficacité Énergétique des Systèmes et une antenne du Centre d’Automatique et de Robotique dans un ensemble immobilier de 14 000 m2 , dont 3 000m2 d’espaces mutualisés pour la recherche, construit par le département des Yvelines pour accueillir environ 300 chercheurs, personnel ingénieur, technique et administratif ainsi que des élèves de l’École. La création du Campus de l’Innovation de Mines Paris-PSL est une belle opportunité pour l’école de réunir trois de ses laboratoires de pointe pour favoriser les partenariats de recherche public-privé dans le Département et de former les ingénieurs de demain. L’ambition de l’école n’est pas de faire à Versailles-Satory que de la recherche et de l’enseignement d’excellence mais aussi de renforcer l’attractivité du territoire autour de Versailles-Satory qui regroupe déjà plus de 5 000 emplois majoritairement dans des activités de recherche et de développement (en particulier un cluster d’Innovation des Mobilités Innovantes).
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