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DECATHLON ET LA PRODUCTION EN FRANCE

Revue des Ingénieurs

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28/05/2021

Auteur : Juliette QUEMENER (E 2012 ICiv)

Depuis déjà vingt ans, Decathlon a choisi de relocaliser une partie de ses fabrications en France. Un choix stratégique historique qui a permis l’accélération de son succès commercial.


Decathlon compte plus de 60 fournisseurs majeurs, dans des domaines variés comme l’agrochimie, l’injection plastique, la soudure plastique, l’électronique ou l’emballage. Ils livrent des produits finis, des semi-finis ou des composants aux entrepôts européens approvisionnant les magasins français, pour les sports comme l’escalade, la pêche, le roller, la nutrition, le soin, l’équitation, le cycle, le stand up paddle, le paddle, l’archerie et bien d’autres encore. Le choix historique de rapatrier une partie de la production de certains produits en Europe, dont en France, a été pris au début des années 2000. Une usine de 180 personnes entièrement dédiée au vélo a par exemple été construite à Lille en 2008. Les raisons qui poussent Decathlon sont diverses : historiquement économiques avec les taxes antidumping appliquées sur les produits importés de Chine, ensuite l’impact carbone de toute la chaîne de valeur du produit mais aussi récemment l’optimisation du niveau des stocks et donc la recherche d’agilité et de flexibilité chez les fournisseurs. Cette transformation du panel des fournisseurs industriels s’est fortement accentuée ces dernières années avec environ + 12 % d’augmentation chaque année des quantités produites en France. Aujourd’hui plus de 20 % des articles sont produits en Europe.

DR

Decathlon a construit une usine de 180 personnes entièrement dédiée au vélo à Lille en 2008. 98 % des vélos Decathlon sont assemblés en Europe.

DANS QUEL CONTEXTE LES PRODUCTIONS SONT-ELLES RÉALISÉES EN FRANCE ?

Produire en France, et plus particulièrement choisir un approvisionnement local, est un réel engagement pour Décathlon. Il s’accompagne d’une participation aux enjeux écologiques et sociétaux. En revanche, même s’il marque un changement dans la manière de produire, il ne doit pas se faire au détriment de la stratégie de chaque enseigne. On trouve 80 % des process industriels (dont le cycle, le textile, le plastique, l’électronique) chez 51 fournisseurs français produisant plus de 1 200 modèles, soit environ 52 millions de pièces annuellement. Sur le process textile, par exemple, 4 fournisseurs différents développent des textiles haut de gamme comme les vestes de trek.

L’objectif principal est de garantir la disponibilité des produits en optant pour une production locale. L’Automatisation est la principale réponse à cette question et le premier levier de relocalisation. C’est aujourd’hui l’un des principaux axes de travail sur les projets en cours de développement. Le second levier est de s’appuyer sur des savoir-faire spécifiques et historiques français, comme la coutellerie, l’embrossage ou l’industrie de la pêche, réorganisant ainsi le panel de fournisseurs tout en augmentant l’offre produits Produire en France n’est pas systématiquement produire plus cher. Parfois le choix est même plus avantageux sur le plan économique global quand la flexibilité et la réactivité sont essentielles sur un produit. Des projets de personnalisation ou des petites séries deviennent plus intéressants à produire localement, avec une supply chain performante qui amène en même temps une diminution des stocks composants et produits finis.

QUELLES SONT LES FORCES DE LA PRODUCTION LOCALE FRANÇAISE POUR DÉCATHLON ?

Plusieurs critères sont à prendre en compte pour choisir une production française. Si elle est peu adaptée pour de la grande série avec peu d’automatisation, c’est parfois un vrai gain sur des projets différenciants. La production de vélos Gravel, par exemple, en séries limitées et donc en faibles quantités, est assurée par l’usine de vélo à Lille. L’usine travaille sur des projets de personnalisation à la carte pour ce type de vélo pour répondre aux futurs enjeux du marché.

Le premier axe à prendre en compte est la proximité avec les services centraux et les centres de développement. S’appuyer sur des fournisseurs français, souvent testeurs des produits, permet d’aller plus vite et d’améliorer le co-développement des gammes. Il n’y a pas de barrières culturelles ou linguistiques et se déplacer régulièrement chez les partenaires est plus accessible. Decathlon travaille avec 7 centres de développement en France pour développer des produits comme les quilles finlandaises, les raquettes de paddle ou encore certaines chaussures de football.

Le deuxième axe concerne la proximité géographique. Plus précisément il tire son avantage de la supply chain et particulièrement un lead time court (pour exemple, le leadtime moyen des produits en provenance d’Asie est de 63 jours contre 26 jours en France). Certaines innovations pour lesquelles existe déjà un premier historique des données de ventes, ou certains produits très soumis aux conditions météorologiques ou encore aux effets mode sur la couleur, ont besoin de flexibilité dans la supply chain. L’enjeu est de limiter le stock de produits dans les entrepôts et de livrer au bon moment le bon produit. Pour exemple, la gamme de luge produite en France est livrée en juste à temps lors de l’arrivée des premières neiges.

Le développement du digital apporte également un avantage : les vélos haut de gamme des marques partenaires Van Rysel et Rockrider vont être prochainement livrés en direct par Decathlon aux clients depuis l’usine de production située à Lille.

La mesure du niveau de qualité des fournisseurs sur des produits équivalents révèle un réel point fort de la production française. Les retours qualité des produits fabriqués en France sont 2 fois plus faibles que pour les autres produits fabriqués ailleurs.

LES ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIÉTAUX

Dernier axe de travail, il faut tenir compte également de la tendance actuelle portée par les médias au “Made In France”, et l’attention des clients à l’engagement
environnemental et sociétal de l’entreprise. Ces critères de choix dans l’achat d’un produit sont pris en compte dès la conception, en fonction du processus et dans
toute la supply chain, jusqu’au recyclage ou à l’élimination du produit.

Il ne s’agit pas d’une simple recherche directe de création de valeur financière. Les acheteurs industriels disposent d’outils de comparaison ne se basant plus uniquement sur le coût de production et de transport mais sur le coût de toute la chaîne, y compris le choix des composants et des processus, qui engendrent le taux d’émission CO2 du produit. Le choix du fournisseur prend en compte l’impact environnemental sur toute la chaîne de valeur. Depuis 2018, Decathlon instaure progressivement la notation environnementale de ses propres produits, en magasins et sur internet.

FOURNIR “LOCAL POUR LOCAL”

Produire en Europe et plus particulièrement en France, représente de nombreux avantages compétitifs pour Decathlon. La qualité et la compétence de l’industrie française ainsi que la proximité des magasins européens permettent de répondre aux enjeux de flexibilité actuels. L’enseigne a connu une forte croissance ces 10 dernières années notamment avec l’ouverture chaque année de magasins dans de nombreux pays du monde. L’enjeu industriel des prochaines années est de renforcer le panel de fournisseurs permettant de répondre au besoin du “local pour local” afin de présenter une offre la plus responsable et agile possible par rapport à la demande.

La stratégie de Decathlon vise à rendre le sport durablement accessible à tous avec des produits utiles aux hommes et à leur planète. L’outil industriel y participe en développant une démarche globale et responsable.

 

JULIETTE QUEMENER (E12), Supply Production Leader chez Decathlon – juliette.quemener@mines-saint-etienne.fr 

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