Auteur : Lhoucine IDBOURKHA (P 2010 ICiv)
Le marché de la seconde main grignote petit à petit la part des distributeurs classiques sur la scène commerciale. L'économie circulaire se développe en effet de plus en plus, et ce quel que soit le domaine d'activité...notamment le luxe. Exemple avec Vintega.
Dans le secteur du textile, la seconde main affiche une progression annuelle 20 fois supérieure à celle du neuf1. D’autres acteurs progressent également sur le segment de l’occasion : c’est notamment le cas du luxe qui, avec un peu moins de 10 % de son marché fonctionnant sur l’économie circulaire, se développe tout de même de façon exponentielle. Si les mœurs propres au luxe et les prix attractifs encouragent cette transition écoresponsable, beaucoup d’obstacles existent encore. Vintega, startup co-fondée par Lhoucine Idbourkha en 2019, s’est spécialisée dans la seconde vie des sacs de luxe, avec l’ambition de mettre la technologie au service de l’expérience client sur ce segment complexe.
LA SECONDE MAIN, UNE NÉCESSITÉ AUTANT QU’UN ENGOUEMENT
Si le marché de l’occasion fait des émules, c’est qu’il correspond à l’heure actuelle à une certaine vision de la société partagée par de plus en plus de monde. Réutilisation des ressources à disposition, lutte contre l’obsolescence programmée, volonté de consommer différemment et de façon plus réfléchie : cette transition vers les produits de seconde main est d’abord et surtout une démarche écoresponsable. Ce phénomène est donc né d’une nécessité à repenser notre mode de fonctionnement.
Pourtant, si l’argumentaire s’arrêtait là, le succès ne serait pas au rendez-vous. L’envie de nouveauté et les tarifs plus accessibles que dans les grandes boutiques de luxe finissent souvent de convaincre de potentiels acheteurs. Les articles de seconde main, de par leurs prix plus intéressants, permettent de renouveler plus souvent sa garde-robe, et avec moins de scrupules. Une véritable aubaine pour ceux qui guettent les bonnes affaires, tout comme pour les collectionneurs d’articles de luxe rares, issus par exemple d’une gamme en édition limitée. Enfin, le vintage a plus que jamais la cote dans l’univers de la mode, ce qui compte quand on connaît l’importance des tendances dans l’économie.
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LE LUXE SAISIT LA BALLE AU BOND
C’est dans ce contexte favorable à la seconde main que Lhoucine Idbourkha, diplômé de Polytechnique en 2012 et de l’École des Mines de Paris en 2013, a lancé Vintega. La plateforme propose depuis 2019 des services et une technologie qui facilitent l’adoption de la seconde main comme pratique écoresponsable. Ses 6 années d’expérience dans le conseil en stratégie lui ont permis de façonner ce projet de manière aboutie. “Ayant travaillé pour des clients dans le secteur du luxe, ainsi que sur des stratégies de positionnement sur le segment de la seconde main pour un acteur du e-commerce, j’ai pu me faire une idée des forces et des faiblesses du développement de l’économie circulaire dans le luxe,” raconte Lhoucine.
Sa volonté de décloisonner le luxe et de l’intégrer à l’économie circulaire l’a poussé à franchir le pas. Vintega est donc à la fois une proposition commerciale face à la place encore timide du luxe dans le marché de l’occasion, mais aussi un challenge pour son fondateur, bien placé pour connaître les défis technologiques et opérationnels propres aux “marketplaces”.
La plateforme ambitionne de faciliter l’achat et la revente des sacs de luxe de seconde main. “Les clients ont ainsi l’opportunité d’acquérir des pièces de grands créateurs dans une optique différente de leur habitude, et à un prix plus intéressant. Si la finalité est toujours de posséder un sac à main d’une grande Maison, l’achat est ici teinté d’une certaine sensibilité aux enjeux environnementaux.”
LES DÉFIS DE LA SECONDE MAIN: UNE INCOMPATIBILITÉ ENCORE PLUS FLAGRANTE AVEC LE LUXE?
On évoquait plus haut les points forts de la démarche et les freins à faire cohabiter luxe et seconde main. Les défis du marché de l’occasion sont en effet particulièrement flagrants lorsqu’il s’agit d’articles de luxe. La crainte des mauvaises surprises à la réception est d’autant plus importante qu’on a dépensé une somme conséquente pour s’offrir une pièce de créateur.
Les acheteurs sont donc confrontés à la fois aux écueils classiques du secteur de la seconde main, mais aussi à des risques spécifiques au domaine du luxe. L’authentification, le risque de fraude, la traçabilité ou encore la contrefaçon, pour ne citer qu’eux, sont des obstacles majeurs avec lesquels il faut composer. Pour rassurer suffisamment la cible de ce marché et la convaincre de se tourner vers un article de luxe d’occasion plutôt que vers un produit neuf “courant”, Vintega s’appuie sur des experts capables d’authentifier et de vérifier à la main chacune des pièces proposées à la revente.
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LE BUSINESS MODEL DE VINTEGA: LA TECHNOLO-GIE AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ
Vintega propose notamment des solutions qui permettent de rapprocher au maximum l’expérience de l’achat de celle du secteur du luxe. À l’avenir, deux projets devraient se concrétiser qui permettront à Vintega de mettre la technologie au service de la sécurité et de la traçabilité.
Le pricing automatisé permettra par exemple de fixer les prix des sacs revendus. Cette étape est actuellement plus complexe que pour des objets neufs en raison de la valeur résiduelle d’un article ayant déjà connu une première vie. Vintega se base sur des algorithmes et des renseignements accumulés dans une base de données (état du sac, date d’achat, tendance actuelle, etc.) pour évaluer la valeur d’un sac à main et accélérer le choix du prix.
L’autre objectif majeur de la plateforme est de travailler à une authentification plus directe des sacs de luxe d’occasion. Vintega ambitionne en effet de développer une technologie d’analyse photographique permettant de valider la conformité des produits aux règles d’origine des marques. En inspectant en particulier des attributs spécifiques tels que le code série et certains critères visuels (Cuir, Coutures, etc.), on pourrait ainsi garantir la fiabilité et l’authenticité d’un sac à partir de son aspect. “L’incompatibilité de façade entre le luxe et la seconde main n’est donc plus d’actualité. Les garanties mises en place par des plateformes telles que Vintega ont permis de réduire le fossé entre deux mondes qui paraissent éloignés, mais connaissent le succès chacun de leur côté. Une bonne nouvelle pour les deux secteurs qui ont tout intérêt à ce que ce bel élan se poursuive,” résume Lhoucine.
1- Article dans Les Echos – Mode : la seconde main séduit de plus en plus. https://bit.ly/Mines513-2
LHOUCINE IDBOURKHA (P10), cofondateur et CEO de Vintega, lhoucine.idbourkha@mines-paris.org
Diplômé de Polytechnique en mathématiques appliquées en 2012, et de MINES ParisTech en économie et stratégie d’entreprise en 2013, Lhoucine a commencé sa carrière chez Roland Berger où il devient Project Manager. Au cours de ses 6 ans d’expériences dans le conseil, il se spécialise dans la practice digitale où il a pu accompagner plusieurs acteurs sur des projets de stratégie et d’opérationnalisation. Animé par les enjeux de l’économie circulaire et passionné par les challenges technologiques et opérationnels des marketplaces, Lhoucine décide de lancer Vintega en 2019, avec l’ambition d’en faire la première plateforme européenne dédiée à la seconde vie des sacs de luxe.
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