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3 CLÉS POUR DÉPLOYER LE 4.0 EN INDUSTRIE

Revue des Ingénieurs

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04/02/2021

Auteur : Anthony LOY (P 2003 ICiv)

Implémenter des solutions de sites pilotes à l’ensemble des sites industriels d’une entreprise demande une feuille de route claire, avec un pilotage souple et proche du terrain par un réseau constitué de plusieurs expertises. Présentation du cas de Schneider Electric.


AXER LA TRANSFORMATION DIGITALE SUR LA VALEUR

Construire un programme en cohérence avec les enjeux de l’entreprise peut sembler naturel. Cependant, en innovant parfois sous des impulsions technologiques, le responsable de la transformation digitale peut gérer un portefeuille d’innovations qui peinera à convaincre par un manque d’alignement et de cohérence au moment du passage à l’échelle.

Construire une vision à 3 ans qui définit les transformations attendues et qui prend en compte les évolutions technologiques majeures observées est nécessaire. Cette vision se construit en conciliant simultanément des points de vue interne et externe. Le leader de transformation digitale veillera à s’entourer d’un réseau de conseillers et de partenaires pour intégrer les nouvelles technologies arrivant à maturité dans les 2 à 5 ans. L’activité “Innovation et partenariats” de Schneider Electric permet aux opérations de continuellement évaluer des technologies et start-up émergentes dans le domaine de l’Internet des objets et de l’intelligence artificielle. Un partenariat avec Orange a permis dès fin 2019 de tester la 5G sur un premier site industriel. La courbe de lancement d’une technologie (cycle de hype) est une source d’inspiration pour anticiper l’avenir : automatisation intelligente, opérateur augmenté, jumeaux numériques et intelligence artificielle doivent être liés à la chaîne de valeur de l’entreprise, aux enjeux de qualité, de performance et de renouvellement des compétences de l’entreprise.

On rejoint ici la complémentarité du lean manufacturing : réaliser une cartographie de la chaîne de valeur, du fournisseur au client final, à travers le parcours de la commande et des flux physiques. On y associe selon les enjeux les solutions digitales qui permettront une réduction des délais de production, une amélioration de la visibilité sur les processus, une plus grande agilité, ainsi que la réduction des coûts opérationnels.

En conjuguant révision des processus et digital sur la même ambition, on s’assure de la contribution directe et mesurable du digital à la performance des sites.

Les partenaires sélectionnés, grandes entreprises ou start-up, doivent avoir accès à ces enjeux en toute transparence pour aligner leurs développements produits avec les besoins du projet dans une démarche de co innovation.

PASSER D’UNE APPROCHE MULTI-LOCALE À UNE TRANSFORMATION GLOBALE EXÉCUTÉE DE MANIÈRE DÉCENTRALISÉE

Les sites retenus pour la première vague de pilotes devront être représentatifs des métiers de l’entreprise. Ils doivent disposer de compétences en automatisme et d’un premier niveau d’informatique décisionnelle. Les premiers utilisateurs motivés par les changements apportés par le digital doivent disposer du support de la direction du site pour assurer un rythme de déploiement soutenu. La vitesse est un élément important pour inspirer rapidement les usines qui devront être transformées ultérieurement en usine intelligente.

Dans le cas de Schneider Electric, en 2017, nous avons retenu 11 sites pilotes ayant pour certains plus de 50 ans d’activité et un projet d’usine nouvelle, sur des gammes de produits différentes, en Amérique du Nord, Asie, Australie et Europe.

Organiser les pilotes dans différentes régions et organisations permet de collecter les meilleures pratiques car l’innovation est partout. Cela permet également de développer un fort niveau d’engagement des équipes qui devront, par la suite, en assurer le déploiement. À travers les pilotes, on évalue les bénéfices des applications en regard de l’effort d’implémentation estimé pour dupliquer la solution : multilignes ou multisites, évolutions à venir pour améliorer la couverture fonctionnelle qui doit passer par une analyse de la feuille de route du fournisseur. On évaluera le respect des règles de cybersécurité de l’entreprise et la RGPD si applicable. Enfin, l’évaluation de la capacité du fournisseur à accompagner un déploiement global, sur le long terme avec le support associé pour garantir une parfaite réactivité en cas d’incident, est un gage d’appropriation des futurs utilisateurs.

Lors de cette étape, il ne faudra pas mal estimer les compétences requises en interne pour déployer et utiliser le plein potentiel des solutions. Il serait contre-productif de choisir des solutions trop complexes pour l’entreprise qui nécessiteraient un changement trop profond et trop rapide des modes de fonctionnement. Être réaliste sur son niveau de maturité permet de se concentrer sur l’essentiel, puis de faire évoluer de manière agile les solutions sur la base des retours utilisateurs.

Chez Schneider Electric, nous avons mis en place un comité de pilotage regroupant les Vice-Président (VP) de la Performance Industrielle de chaque région de Global Supply Chain, la direction informatique entreprise et cybersécurité, la qualité, l’innovation et les achats indirects.

La coordination du programme assure la cohérence des choix réalisés, limite les recouvrements entre applications et donne le rythme du comité. Les VP Performance Industrielle pilotent le budget de déploiement dans leur région. Leur engagement permet d’assurer le lien avec les sites sous leur responsabilité.

À partir de ce portefeuille de solutions, il s’agit de développer pour chaque site un plan de transformation en étant à la fois ferme (engagement de l’entreprise en faveur du changement) et flexible en matière de déploiement technologique.

Tour de contrôle de la commande à la livraison. Photo : DR

 

Prise de décisions sur base d’informations temps réel. Photo : DR

Piloter performance et efficacité énergétique sur le terrain.Photo : DR

Pour cette raison, la feuille de route se compose de deux axes :

• La mise en place de “solutions coeurs” avec des bénéfices démontrés pour l’ensemble des sites à travers les pilotes, obligatoires dans leur déploiement. Ce sont aussi des applications identifiées comme étant centre de la transformation sur le long terme. La standardisation entre sites est donc nécessaire : pilotage de la production, connectivité machines, tableau de bord de performance, gestion du bâtiment et de l’énergie.

• La sélection de “solutions complémentaires”, permettant à chaque usine de choisir les applications qui les aideront au mieux à atteindre leurs objectifs de transformation : robotiques, analytiques process avancées, opérateurs augmentés, etc.

HACKERS, EXPERTS, CONNECTEURS

Dans le cas de Schneider Electric, l’équipe globale comprend 4 leaders, secondés par des équipes IT. Elle pilote un programme dans 5 régions, rassemblant 80 sites engagés et 60 solutions en portefeuille après trois ans. Dans chaque région un équilibre a été trouvé entre trois types de profils :

• “hackers” capable de construire et déployer des pilotes rapidement ;
• “experts métier” dont la connaissance des processus de production et du système de performance assure l’adéquation des solutions aux problématiques ;
• “connecteurs-multiplicateurs” qui ont la double mission de construire des équipes de déploiement locales en connectant les partenaires, l’informatique d’entreprise et les usines pour faciliter le déploiement selon les processus établis et sont évalués sur la vitesse et les résultats mesurés.

Ces profils sont organisés en réseaux, coordonnés par la gestion de programme à un rythme bihebdomadaire. Ce réseau permet aussi une approche bottom-up pour récolter les retours terrains et améliorer les solutions. Tout au long du programme, il faut pouvoir ajuster les effectifs de ces profils : plus de “hackers” au lancement du programme, transition vers des “multiplicateurs” qui vont donner de la vitesse au déploiement jusqu’aux résultats. Les experts viennent en consolidation dans les processus métier. Chez Schneider Electric cela se traduit par la mise à jour trimestrielle du Système de Performance qui intègre les dernières évolutions digitales.

La transformation digitale de l’industrie est en marche et les bénéfices sont mesurables. Les 40 sites industriels de Schneider Electric les plus avancés dans leur transformation (parmi 200) délivrent une productivité industrielle supérieure de 4 points. La réussite de cette transformation repose sur la capacité de l’organisation à impliquer l’ensemble des niveaux de l’entreprise en s’assurant du bon niveau d’agilité dans le déploiement. Après ces premières étapes, la transformation devient multisites avec un potentiel changement de modèle organisationnel, les opérations optimisées à distance sont possibles grâce au digital, les data scientists et les partenaires technologiques coopèrent pour faire des opérations un maillon performant et résilient de la supply chain.

ANTHONY LOY (P03), pilote de la transformation digitale, Schneider Electric – anthony.loy@mines-paris.org 

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