« La juste équité salariale est celle qui ne se fait que sur la considération des compétences (diplômes, formations…) et de l’expérience »
Responsable d'activité "environnement" Tunnel Euralpin Lyon Turin
Je travaille dans une société de maîtrise d’ouvrage franco-italienne de travaux souterrains, et elle n’échappe pas aux stéréotypes, globalement, sur le manque de diversités dans les différents corps de métiers (génie civil = hommes, acheteurs = femmes, chantier = hommes, secrétariat = femmes).
Une plus grande diversité et mixité serait appréciable, parce qu’il résulte de la répartition que les hommes sont souvent à des postes perçus comme ceux « qui font avancer » (pilotage direct des chantiers, etc.) tandis que les femmes occupent les rôles « d’emmerdeurs » (contraintes environnementales, contraintes contractuelles, etc.). Évidemment il n’y a pas d’emmerdeur, tout le monde œuvre dans le même sens avec un apport équivalent mais l’inégale répartition dans les différents métiers provoque cette fausse perception qui complaît aux hommes.
Personnellement, mes collaborateurs les plus directs sont très majoritairement des femmes, dans le domaine de l’environnement, y compris dans l’aspect droit/procédures. Je me trouve assez heureux et à l’aise dans ce genre de contexte, y compris pour ce qui concerne mon rapport à mes managers (n+1 et n+2 femmes). Cela doit également tenir d’un contexte familial qui m’a sensibilisé aux causes féministes et fait détester les machos.
Dans mon entourage professionnel on rencontre plus souvent chez les femmes que les hommes certaines qualités (l’empathie, l’honnêteté et la sincérité, la sagesse introspective…), alors que certains défauts - ou du moins qui n’en sont pas forcément intrinsèquement mais qui le deviennent lorsqu’ils sont des aspects trop proéminents d’une personnalité - sont plus souvent présents chez les hommes (l’ambition, l’égocentrisme, la peur d’exposer ou de reconnaître la moindre faille ou faiblesse…).
Pour autant, comme pour tous les autres traits d’opposition communs entre les hommes et les femmes dont on fait souvent des généralités (y compris sur les typologies de carrière) il m’est facile de trouver des contre-exemples au sein même de ma société. D’autres caractères comme la loyauté, la capacité de manipulation - se retrouvent autant chez les hommes que les femmes. Il est important de ne pas accorder trop de crédit aux lieux communs sur ce genre de sujets.
Ma société met facilement en avant l’effectif équilibré, ce qui n’empêche pas la présence d’inégalités dans les responsabilités et positions dans l’organigramme, lesquelles se retrouvent certainement dans les salaires.
Il est logique que, dans une société où les plus hauts responsables sont des hommes, les hommes soient mieux payés que les femmes. La juste équité salariale est celle qui ne se fait que sur la considération des compétences (diplômes, formations…) et de l’expérience, pour qui n’a pas subi de discrimination sur la base de son sexe lors de son admission pour les études et lors de ses embauches et changements de postes.
La question qui se pose alors est pourquoi les hauts responsables sont majoritairement des hommes. Ce sera long et difficile à changer.
Pour autant certaines actions correctrices sur ce point ne sont pas toujours opportunes, ou alors parfois l’idée est bonne mais la façon de la mettre en œuvre inadéquate. Par exemple, la volonté même de nommer des directeurs/trices et adjoint(e)s de façon plus équilibrée entre les hommes et les femmes, lorsqu’elle n’est guidée que par un souci d’équité comptable homme/femme (qui est parfois plus un souci d’image et de relationnel qu’une conviction intrinsèque) au détriment de la juste appréciation des compétences en présence et de l’équilibrage de l’organigramme, n’est pas une bonne idée.
On peut pondérer la responsabilité des sociétés sur l’égalité hommes-femmes par le déséquilibre lié à la formation (ce qui est vrai dans le cas d’espèce), mais force est de constater que cela n’explique pas, par exemple, la présence de 90% d’hommes dans une cérémonie de réception de tunnelier à laquelle je viens de participer. Cela n’a pas empêché le fait que le seul discours prononcé par une femme à cette occasion, celui de madame Radicova coordonnatrice européenne du corridor méditerranéen, a largement surpassé toutes les autres prises de parole tant par les qualités d’éloquence, par le fond des messages transmis, que par la valeur de la personnalité qui transparaît inévitablement de ces mises en situation.
La vie professionnelle des femmes dans un environnement majoritairement masculin, ce sont aussi les paroles déplacées, les remarques sexistes, voire les agressions sexuelles (dans mon milieu, il est globalement plus question de gros lourdauds que d’agressions physiques, j’ose espérer). C’est une réalité.
Pour finir voici une anecdote par rapport au second sens, voire au contresens, donné à certaines mesures : Lors d’une discussion informelle entre hommes après une réunion, un manager d’une société de génie civil évoquait des règles de bonnes conduites mises en place dans sa société, celle ici de ne pas prendre l’ascenseur seul avec une femme, pour ne pas risquer d’être accusé d’agression sexuelle. Évidemment, c’est surprenant de considérer ce motif comme prépondérant sur celui de prévenir tout simplement les agressions sexuelles. Ce qui est intéressant c’est que ça montre que l’échafaud punissant l’agression sexuelle est plus facilement atteignable, et tant mieux, merci #metoo entre autres),
Enfin, travaillant dans une société binationale franco-italienne, il fait globalement peu de doutes que la société italienne est en retard sur la société française sur la question de la place de la femme (mais cela dépasse le cadre de l’entreprise).
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