Auteur : Valentine DE METZ (E 2004 ICiv)
Vous rêvez de pimenter votre parcours professionnel en partant travailler à l’étranger, sans renoncer à une excellente qualité de vie ?
Et si travailler aux Pays-Bas était la réponse à vos aspirations ? Le témoignage de Valentine de Metz (E04), qui y travaille depuis près de 10 ans.
L’EMPLOI AUX PAYS-BAS
Les travailleurs néerlandais bénéficient du plein-emploi : seulement 3,2 % de la population active est en recherche d’emploi1. Le marché du travail est en permanence à la recherche de talents, dont les ingénieurs, et les appâte grâce à un programme fiscal très attractif. Savoir parler le néerlandais est apprécié et contribue à l’intégration locale, mais n’est pas indispensable car tous les habitants parlent couramment anglais. Les Pays-Bas sont donc un pays dynamique, où tout ingénieur/scientifique trouve facilement un travail à la hauteur de ses compétences, avec de bonnes conditions financières.
COMMENT LA MER ET LA CULTURE SONT LIÉES
À l’origine, la menace de l’eau : 30 % du territoire, où se concentre 80 % de la population, est inondable. La lutte ancestrale contre le risque d’inondation a forgé la culture hollandaise et en fait l’un des pays d’Europe les plus proactifs dans la prévention du réchauffement climatique et de la montée des eaux, et par conséquent dans la transition énergétique.
La menace de l’eau a aussi façonné l’organisation de la société. La terre a été gagnée sur la mer (les polders) et sécurisée par la construction de digues et de barrages. Des travaux titanesques, et surtout vitaux, rendus possibles grâce à l’implication des parties prenantes et à la concertation :
- l’implication de tout un chacun, car l’engagement personnel pour atteindre les objectifs communs est une valeur forte et que les intérêts collectifs priment sur les intérêts individuels ;
- la concertation pour gérer les conflits d’intérêts entre les différentes parties prenantes, ce qui peut mener à l’échec d’un projet, et promouvoir l’implication personnelle.
C’est le “polder model”, une organisation basée sur la concertation et où la voix de chacun a une valeur égale. Ici, point de légitimité hiérarchique, misez tout sur le management collaboratif ! Et pour apprendre à négocier avec les Néerlandais, n’hésitez pas à partir (et repartir) en formation.
FEMME INGÉNIEUR, FEMME EN ENTREPRISE
En 2017Aux Pays-Bas, 31 % des “master of science” sont obtenus par des femmes, une progression explosive : 5 à 10 ans plus tôt, ce chiffre était l’un des plus bas d’Europe, autour de 20-22 %. Toutes ces diplômées n’exercent pas un métier d’ingénieur. Tous âges confondus, environ 1 ingénieur sur 7 est une femme et la proportion devrait s’équilibrer vers 1 sur 5 d’ici 15-20 ans.
Ici le plafond de verre n’existe pas… vraiment. Une recherche Google sur “plafond de verre” donne en France 24 millions de résultats, et 10 fois moins aux Pays-Bas ! Ce concept est connu, mais peu sujet à débat.
Les femmes sont pourtant peu nombreuses à avoir des responsabilités managériales : 1 manager sur 4 est une femme (1/3 en Europe), tous secteurs confondus, et ce chiffre stagne depuis 15 ans. Le vivier de femmes managers étant sous-peuplé, elles sont encore moins bien représentées dans le top management, bien qu’ici la situation décolle : il y a 10 ans, il y avait 5 % de femmes au sein des comités de direction des 5 000 plus grosses entreprises, contre 15 % maintenant2. Pour rappel, l’ambition européenne est d’atteindre 30 % dans chaque pays et la France est à 21 %.
Si vous avez une âme de pionnière, du talent et de l’ambition, il y a donc des opportunités ! Et pour vous Messieurs : c’est une belle opportunité pour vous consacrer davantage à votre vie privée, sans sacrifier votre carrière. Ciblez les entreprises signataires de la “diversity charter” : elles sont sensibilisées à l’inclusion, notamment des étrangers et des femmes travaillant à temps plein.
L’ÉQUILIBRE VIE PRIVÉE / VIE DE FAMILLE
Le travail à temps partiel reste la norme pour les femmes, indépendamment de la catégorie socioprofessionnelle :
Carrière 76 % des femmes actives1 l’ont choisi, c’est le taux le plus élevé d’Europe. Vous aussi Messieurs, vous êtes invités à profiter des joies du foyer : les hommes néerlandais sont aussi les champions d’Europe du temps partiel, avec 16 % des hommes actifs de 30 à 50 ans1.
Cela s’explique par l’objectif des féministes hollandaises, dans les années soixante-dix, qui était de rééquilibrer les rôles traditionnels : envoyer les femmes au travail certes, mais aussi ramener les hommes à la maison. La moitié des parents d’enfants mineurs souhaite garder une répartition des rôles2 au sein du couple, l’un (homme dans 9 cas sur 10) travaillant plus que l’autre, qui se focalise alors davantage sur le foyer. L’autre moitié aspire à une répartition égalitaire. Ces données sont importantes pour comprendre la place du travail et la façon de penser de vos futurs collègues.
Pour tous ceux et celles qui rêvent de passer moins d’heures au travail et plus à la maison, c’est l’aubaine : vous serez dans la norme et personne ne critiquera votre supposé manque d’implication. La petite voix, celle qui vous fait culpabiliser de ne pas travailler le mercredi, n’y trouvera rien à redire non plus.
A contrario, si vous êtes mère de famille et que vous tenez à travailler à temps plein, votre entourage local ne comprendra pas forcément ce choix. Certains, choqués d’apprendre que mes enfants passaient 45h/semaine à la crèche, m’ont même carrément dit que je me fourvoyais. Je n’ai pas de regrets, à part le budget que j’y ai mis : les structures de garde sont privées et peu subventionnées, et les enfants ne rentrent à l’école qu’à partir de 4 ans, pour ensuite en sortir dès 14h.
Tous, hommes et femmes, sont d’accord sur un point : les horaires doivent être respectés. Les réunions commencent pile à l’heure, les pauses déjeuner sont réglées sur l’horloge atomique de Berlin, et le meilleur : quand la journée de travail 8h30-17h se termine, les bureaux se vident. Au revoir horaires à rallonge ! À vous les longues soirées à profiter d’un temps libre et bien mérité !
EN CONCLUSION
Travailler à l’étranger demande toujours une certaine adaptation. Nous arrivons avec nos idées, souvent inconscients de nos préjugés. Ce qui nous semblait tout à fait normal se met à détoner dans notre nouvel environnement. Patience. Il faut un an pour trouver ses repères, ou accepter de lâcher prise. Après, vous verrez tout ce qu’une nouvelle culture peut vous apporter, en termes d’ouverture d’esprit, d’idées nouvelles, d’opportunités. Vous profiterez alors de vos premiers succès : manger un hareng cru ou conduire votre première réunion en néerlandais, il suffira d’oser !
1. source: CBS Centraal Bureau voor de Statistiek – 15/5/2020
2. Source : Emancipatiemonitor 2018, Centraal Bureau voor de Statistiek (CBS) et Sociaal en Cultureel Planbureau (SCP)
VALENTINE DE METZ (E04)
Aujourd’hui Superintendent Quality control à la raffinerie de Zeeland, au sud-ouest des Pays-Bas.

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