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Transition vers une économie bas carbone : appréhender et traiter sa complexité

News des Mines

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01/06/2024


 

Pour les élections européennes, un tout récent sondage sur la transition énergétique a montré que 55 % des européens estiment que ces questions sont importantes mais pas capitales dans leur choix de vote. Et pourtant, les raisons ne manquent pas de mobiliser tout le monde, des pays aux citoyens, en passant par les entreprises : la raréfaction et le renchérissement des ressources énergétiques et minières, le dérèglement climatique, la réindustrialisation de la France, les tensions géopolitiques accrues... 

Pour éclairer ces sujets brûlants, la News a sollicité un acteur engagé depuis longtemps sur les problématiques énergétiques et climatiques, Stéphane Woerther (E1998), Managing Director Energy Project & Climate Finance au sein du cabinet FTI Consulting.

 Eric Matoussowsky (E78)

 

Stéphane, peux-tu nous dire depuis combien de temps et dans quels contextes ces sujets d’énergie et de climat te mobilisent ?

 Je me définis comme Ingénieur économiste dans les secteurs de l’énergie et du climat dans lesquels je travaille depuis plus de 20 ans, quasiment depuis ma sortie d’école. Après un bref passage à la NASA où j’ai travaillé sur la modélisation du climat, je me suis ensuite très vite intéressé aux questions économiques et financières autour de l’énergie et du climat. J’ai ainsi accompagné ces deux dernières décennies Etats, entreprises privées et institutions financières sur le développement et le financement de projets d’infrastructures énergétiques et sur les problématiques de finance climat. J’ai ainsi endossé différentes casquettes chez ENGIE, la Banque Lazard ou maintenant chez FTI Consulting, pour traiter un spectre assez large de sujets, tels que le montage de fonds crédits carbone, la mise en concession de projets d’électrification de centres urbains sur base solaire en République Démocratique du Congo, ou le financement de projets d’interconnexions électriques en Europe du nord. Au sein de FTI Consulting, que j’ai rejoint voici quelques mois, je couvre avec mes équipes des sujets structurants sur l’ensemble des secteurs énergie-climat et minier, accompagnant nos clients sur des opérations financières complexes, notamment dans la finance climat, comme par exemple le montage de plateformes d’investissement pour accélérer la mobilisation de capitaux vers des projets de transition bas carbone. Nous intervenons aussi dans des situations de crise comme lors de la restructuration commerciale et financière de projets d’infrastructure, ou en apportant notre expertise économique et financière dans le cadre d’arbitrages internationaux. Par ailleurs, à titre personnel, je me suis engagé depuis plusieurs années sur la vulgarisation des problématiques climatiques, traitées essentiellement sous un angle économique et financier, autour de conférences et d’un cours dédié dispensé à l’Institut Français du Pétrole et dans nos Écoles à Saint-Etienne et Paris.

 

Avec ton expérience, comment analyses-tu la situation actuelle ?

 Le monde de l’énergie a toujours été un domaine sensible et stratégique. Mais avec les nouveaux enjeux qui se profilent, principalement ceux liés au défi climatique, mais aussi aux besoins essentiels de réindustrialisation, ou à la fragilité de certains équilibres géopolitiques et les conflits afférents, les questionnements et les besoins évoluent drastiquement et brusquement. Concernant le climat, cette rapidité est liée à une prise de conscience relativement récente du défi et de la complexité du sujet, nous contraignant à des choix cornéliens parmi l’ensemble des solutions envisageables.

 Ainsi, tous les acteurs du secteur sont obligés de quitter les postures de communication qui prévalaient jusqu’à peu pour affronter cette complexité. On a ainsi quitté un monde de l’énergie qui ronronnait depuis longtemps, et où nous avons tardé à tenir compte de nouveaux paradigmes qui s’imposaient.

 Au pied du mur, nous devons dorénavant engager de profonds changements dans une durée très réduite et avec des défis gigantesques. Pour illustrer ces propos, il est intéressant d’observer le foisonnement des réflexions actuelles sur l’hydrogène, avec encore énormément d’incertitudes sur son devenir, tétanisant littéralement un grand nombre d’acteurs. Les promesses associées à l’hydrogène vert pour décarboner nos économies à un coût compétitif se heurtent encore à des contraintes techniques et économiques très complexes et des besoins en investissements colossaux. Et donc, comment positionner rapidement ce vecteur énergétique et son usage dans une vision du monde à moyen et long terme ?

 Avec ces énormes défis, les Etats et les entreprises sont amenés à devoir penser la transformation radicale des fondamentaux de leurs systèmes économiques. Sans compter qu’aux questions techniques s’ajoutent celles géopolitiques d’un monde où les rapports de force s’intensifient et les interdépendances sont remises en cause. S’ajoutent également celles financières avec un renchérissement du coût de l’argent et la difficulté pour beaucoup d’Etats de mobiliser des fonds publics après des années à dépenser sans compter.

 

Face à ce tableau assez sombre, quels sont les leviers d’action, notamment pour notre communauté d’ingénieurs ?

 D’abord, le tableau n’est pas si sombre. La situation est certes éminemment complexe mais elle se révèle passionnante. Passionnante parce qu’elle constitue un défi incontournable, parce qu’elle suppose d’innover sur tous les plans : économiques, financiers, scientifiques, techniques, politiques, fiscaux, sociaux… Le monde est entré dans une période extraordinaire de besoin de transformation des économies par la refonte d’éléments systémiques. Et donc, face à tout ceci, le besoin de rationalité, d’innovation, de réflexion et de mobilisation est flagrant.

 Dans un tel contexte, je suis évidemment convaincu que les profils d’ingénieur généraliste comme les nôtres doivent et vont constituer un atout formidable pour ces transformations attendues. Ce sont des opportunités fantastiques, à condition par exemple d’intégrer au plus vite ces dimensions nouvelles dans le cursus des jeunes élèves-ingénieurs. 

 Bref, à ce stade, même si des acteurs sont déjà mobilisés, ces défis ne pourront être abordés et gagnés qu’avec la mobilisation et l’engagement du plus grand nombre. Ce doit être le sens de l’action publique à court terme. Il importe de miser sur la prise de conscience généralisée des responsabilités qui nous incombent et des choix complexes associés, dans un domaine où toute l’humanité est concernée. Ici, toutes nos décisions comptent, aussi bien sur le plan professionnel que personnel !

Stéphane Woerther (E1998)


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