C’est une préoccupation récurrente : ai-je le droit de partir en expatriation alors que mes parents sont seuls ?
Pour d’autres, qui ne l’expriment pas toujours, on sent que la décision de partir fait mal. Et surtout, on n’arrive pas toujours à savoir pourquoi.
Et si tout ça était une question de conflits de loyauté ?
Le concept de loyauté est un ensemble d’injonctions intériorisées qui va plus loin que l’attachement, et l’appartenance. Il constitue une part de notre identité.
- La loyauté est souvent inconsciente, imposée par l’extérieur, ou créée par soi-même.
- Elle n’est pas rationnelle (« J’achète mon essence chez XX même si elle est plus chère, car mon mari travaille chez XX »).
- Elle fait intervenir la notion de confiance reçue, de reconnaissance envers l’autre, et donc de dette. Et cette dette morale me pose problème quand j’estime ne pas m’en acquitter correctement.
C’est alors là qu’il y a conflit chez la personne entre ce qu’elle doit vivre, et ce qu’elle voudrait vivre pour rester fidèle à cette loyauté. Les conflits de loyauté peuvent être douloureux pour soi et abîmer certains liens affectifs. Cependant s’y confronter fait grandir notre liberté intérieure.
Si les conflits de loyauté sont souvent reliés aux liens intergénérationnels, ils sont aussi fréquemment présents chez les enfants de famille recomposées : « ai-je le droit de bien m’entendre avec ma belle-mère, et n’est-ce pas montrer à ma mère que je ne l’aime plus ? »
Conflits de loyauté et expatriation
Chez les expatriés, il s’opère une évolution de l’identité personnelle ou familiale par les défis relevés, les facettes de notre personnalité que nous avons développées et tout ce que nous avons engrangé comme expériences, souvenirs, sensations… Et cette évolution touche aussi nos loyautés. De nouvelles loyautés peuvent apparaître lors de l’expatriation qui crée un enracinement local : je me sens liée mais aussi attachée.
Lors d’un déménagement, trois types de loyauté sont souvent questionnés :
Loyauté vis à vis de mon milieu d’origine
Ou vis-à-vis de ma famille : « Je ne peux pas partir en expatriation et m’éloigner de Maman qui vit seule (sous-entendu, « pour rester fidèle, je lui dois cela, avec tout ce qu’elle a fait pour moi »). Je suis la dernière de la fratrie, et c’est moi qui doit prendre soin d’elle (fidèle à mon rôle) ».
Ou « j’assume de continuer ma vie nomade (qui convient aussi à mon mari) même si mes parents sont âgés, et j’assume le fait que je pourrais ne pas être là le jour de leur mort »
ou encore : « Je ne peux me faire aider alors que je viens d’un milieu modeste ».
Loyauté vis à vis de l’entreprise
Dans le cas où je décide de suivre mon conjoint : « Mon conjoint est muté, mais je ne peux pas quitter cette entreprise ou cette collègue après tout ce qu’elle m’a apporté ».
Loyauté vis à vis de son pays
« Je souhaite que mes enfants parlent français, la France m’ayant accueilli lorsque mon pays était en guerre ».
Ou : « Cela fait 10 ans que je vis en Allemagne où mes enfants sont nés, je suis intégrée et assimilée aux familles locales ; et pourtant mon mari décide de rentrer en France pour son travail. Avec ce départ « non imposé », j’ai l’impression de trahir mes amis ».
Ou « j’ai enterré un de mes enfants dans ce pays, je n’imagine plus le quitter », « j’ai adopté un de mes enfants dans ce pays, je n’imagine plus le quitter » …
Quand les conflits de loyauté nous mettent dans un dilemne
Ces conflits de loyauté nous mettent devant un dilemme, et c’est en cela qu’ils peuvent rendre complexe les mutations :
D’un côté, être loyal, c’est… peut-être se mettre des limites. Nos loyautés peuvent nous empêcher de faire des choix libres, d’aller de l’avant, d’oser.
De l’autre, être déloyal, c’est risqué… Nous avons l’impression de trahir nos proches, de leur faire du mal (un mal qu’ils ne méritaient pas), de renier une partie de nous-même, de ne pas être fidèle à ce que nous étions (ou voulions être, ou ce que d’autres voulaient que l’on soit..), et même, de déséquilibrer un système de fonctionnement familial… Il peut alors naitre un sentiment de culpabilité, ne pas se sentir à sa place, ne pas s’autoriser à faire quelque chose….
Réfléchir aux bienfondés de nos loyautés
Alors, réfléchissons aux bienfondés de nos loyautés, et distinguons celles que nous souhaitons honorer car elles nous conviennent, nous structurent ou nous font avancer, de celles qui empêchent d’aller vers plus de vie et de liberté.
Ayons le courage de nous questionner sur ce que nous voulons vraiment :
- A qui sommes-nous fidèles, et pourquoi ?
- Quelles sont nos dettes, devons-nous vraiment nous en acquitter et si oui comment ?
- Ces loyautés sont-elles justifiées, viennent-elle de moi ou des autres… ?
- Ces loyautés sont-elles saines et dans le sens de la vie, ou trop aliénantes, inhibantes, … ? Comment leur laisser la juste place ?
Ces pistes de réflexion peuvent nous éclairer sur ce qui se passe en nous, nous aider à prendre du recul, à être attentif à nous même, pour vivre une expatriation plus légère et plus libre !
Si vous avez le besoin ou l’envie d’échanger sur ce sujet ou un autre lié à l’expatriation, n’oubliez pas que Clément Kostov (P80) a effectué toute sa vie professionnelle à l’étranger !
Article écrit par Blandine Mugnier, formatrice en communication familiale et animatrice en méthode Vittoz et publié sur le site de notre partenaire Expat Communication
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