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LES ATELIERS

Revue des Ingénieurs

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16/05/2023

Auteur : Bernard Gomez (E69)

 Visite le 16 novembre 2022 chez un fabricant textile de 75 ans qui multiplie les efforts avec la ténacité des familles textiles du Nord: Vanderschooten.


Depuis la fin des années 90, l’industrie textile française du linge de maison a été détruite par les importations: près de 90% du marché vient de l’étranger. Heureusement la “créaation” reste encore française. Il ne reste que quatre tissages, celui de Vanderschooten a fermé en 2004, qui malgré un équipement très moderne ne peut faire face à la concurrence pakistanaise.
Du côté des ennoblisseurs1 seuls trois résistent, un seul imprimeur à Tarare et une poignée de confectionneurs, comme Vanderschooten à Nieppe (59).

LES MARCHÉS DU LINGE DE MAISON

Le Pakistan et le Bangladesh sont les principaux fournisseurs. Leurs usines sont équipées en matériels modernes et le coût de la main-d’œuvre y est 50 fois inférieur. Les richissimes propriétaires de ces conglomérats, présents dans le textile, l’énergie, la construction et l’immobilier… exploitent une population misérable, parfois à la limite de conditions de travail humaines. En Europe ne se trouvent que des PME. Les clients finaux sont les hypermarchés, magasins spécialisés, grands magasins, boutiques de linge de maison, de décoration, boutiques cadeaux, chambres d’hôtes… et les utilisateurs (linge de lit, rideaux). Il faut les atteindre via un réseau de distribution spécifique. De nombreuses références sont nécessaires pour satisfaire le marché, avec de surcroît une grande variété de matières (lin, coton, viscose, polyester).

LES CLÉS DU RENOUVEAU

Bernard Vanderschooten a la ténacité des familles textiles du Nord et ne renonce pas. Si l’activité a baissé de 50% en vingt ans, le redressement est maintenant visible grâce à une stratégie commerciale opportuniste. En marketing, elle se traduit par le lancement de marques propres (A demain, 100% fabriquée en France), et l’arrêt des coûteuses licences. Côté ventes, un réseau de distribution puissant permet la prospection vers les décorateurs, les véritables prescripteurs, la vente directe  décorateurs, les véritables prescripteurs, la vente directe dans 7 magasins propres et 7 outlets (fin de série), et bien sûr s’y ajoute la vente par internet qui permet d’atteindre des clients lointains ou étrangers. Le jour de notre visite, nous avons vu des colis pour le Canada, l’Espagne et La Réunion. Grâce à une demande nouvelle pour des produits français, un retour vers la grande distribution, qui s’était tournée vers l’Asie, semble aussi inverser la tendance depuis quelques années. VDS participe au salon “Made in France”. La croissance est cherchée du côté de l’export et de la diversification des canaux de distribution.

Fabriquer du linge de maison de qualité nécessite de respecter les labels comme Origine France Garantie, GOTS pour les cotons biologiques, OKEO-TEX, et de les faire respecter par les fournisseurs. Les équipes styliste création, marketing produit et communication sont importantes car les articles sont soumis au rythme des collections. À la différence du textile habillement qui fabrique après avoir vendu, dans le linge de maison on fabrique puis on vend. Le cycle complet est donc long, jusqu’à parfois près d’un an, et pèse sur les stocks.

LES ATELIERS DE NIEPPE

La grande variété des produits et des tailles, variables selon les pays, ne permet pas toujours une production en grandes séries. Il se trouve donc beaucoup de manipulations et de travaux individuels (coupe, couture, étiquetage, pliage, emballage). Pour autant des équipements modernes et automatisés permettent d’accroître la productivité quand c’est possible. Les machines ont elles aussi été achetées à l’unité, et sont personnalisables. L’équilibre au quotidien entre la fabrication manuelle et automatisée nécessite un personnel polyvalent. La qualité est manifeste, normal pour du produit moyen et haut de gamme, peu de défauts de fabrication et très peu de retours sont constatés. Un attachement particulier à la qualité environnementale est notable, notamment la réduction des emballages plastiques. Côté gestion, le détail inhérent aux multiples références n’avait pas encore permis de rentabiliser la mise en place d’un logiciel de gestion automatisé. Un ERP performant sera opérationnel en 2024. VDS achète ses tissus écrus et les fait teindre à façon. Les stocks nombreux (écrus, produits intermédiaires et finis) sont gérés informatiquement à l’emplacement. Toutefois la connaissance fine des magasiniers leur permet de s’y retrouver rapidement.

LES DÉFIS

Au-delà de la concurrence déloyale des pays à bas coût déjà évoquée, les coûts de production en France (et en Europe) restent le plus grand défi. Dans le prix des articles, il faut compter l’achat des matières, la sous-traitance (teinture) et les transports. Mais avec l’inflation, les deux postes les plus importants, les salaires et l’énergie, pèsent sur la rentabilité. VDS anticipe une hausse de 20% de ses coûts d’achat en 2023. La lutte contre les pseudo-créateurs français, en réalité des entreprises françaises mortes et rachetées par les Pakistanais: ils ne fabriquent pas en France mais étiquettent les produits comme tels. Une sorte de “franco-lavage” à l’instar du greenwashing nous dit Bernard Vanderschooten. La raréfaction des formations spécialisées, tant en métiers

textiles, qu’en mécanique ou automatismes, fait que l’entreprise a du mal à recruter des professionnels. Elle les forme donc elle-même.
La mise au point de machines automatisées spécifiques qui savent manipuler des tissus à l’unité coûte cher et les investissements sont lourds.

CONCLUSION

Le métier est complexe, avec de nombreuses activités, de nombreux process, et de nombreux produits. Invités par le PDG Bernard Vanderschooten et notre camarade Jordan Tourneur (E01), DAF de l’entreprise, nous avons été séduits par la qualité des produits et les investissements modernes des ateliers de confection VDS. Quand on visite l’atelier Vanderschooten à Nieppe, on est frappé de voir l’influence de la tendance France sur les investissements et l’emploi de l’entreprise. Et le personnel semble heureux de participer au renouveau. Un bel exemple de stratégie pour les écoles d’ingénieurs. Une entreprise textile qui résiste, avance et s’en sort. Bravo!

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