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Dossier : APPLICATIONS DES TECHNOLOGIES D'IMAGERIE

Revue des Ingénieurs

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29/03/2023

Auteur : Clément Kostov

Ce dossier présente des perspectives sur l’évolution des techniques d’imagerie et illustre certaines tendances qui nous ont paru importantes, comme la récente présence incontournable de ces techniques dans l’industrie et dans les biens de consommation, portée par des progrès aussi bien en instrumentation qu’en traitement de données sur ordinateurs.


Commençons par préciser que nous laisserons de côté les albums de famille et les oeuvres artistiques malgré leur importance, et ceci même si leur création peut recourir à des technologies avancées. Nous parlerons exclusivement d’images dont la création et l’utilisation relèvent de procédés scientifiques et industriels.
Pour un bref tour d’horizon, rappelons-nous l’évolution des techniques d’imagerie pour faire ressortir la réflexion qui nous a motivés à vous présenter ce dossier ; nous assistons aujourd’hui et depuis une dizaine d’années à un foisonnement des applications des techniques d’imagerie dans l’industrie, dans les services, dans les biens de consommation.


DU CRAYON AUX ONDES

En prenant un point de vue très général sur les techniques d’imagerie, commençons par le carnet de notes des scientifiques et techniciens. Nous y trouverons des croquis, des synthèses d’observations ; il s’agit bien d’une forme d’imagerie qui permet de se rappeler, d’analyser et de partager des observations. Rappelons-nous également les belles illustrations qui accompagnent des publications scientifiques aux XVII et XVIII siècles, résultats de collaborations étroites entre savants et peintres1.

Dès leur apparition dans la première moitié du XIXe siècle, les techniques de photographie sont utilisées pour enregistrer des observations d’éclipses du soleil ou de la lune et ensuite pour des travaux d’astronomie. À partir des années 1850, la photomicrographie2,3 assiste l’observation des micro-organismes. À la fin du XIXe siècle, on note aussi l’enregistrement du premier séisme en continu dans le temps et sur un support de papier.

Le développement concomitant d’instruments de mesure physiques et de techniques d’imagerie a été essentiel dans de nombreux domaines de la science et de  ’industrie. Bien plus qu’un gain de temps et qu’une automatisation, ces nouvelles techniques permettent de s’affranchir des limitations de nos sens, notamment pour les observations des ondes électromagnétiques ou élastiques, d’y apporter précision et fiabilité. De nouveaux instruments et de nouvelles mesures permettent de  repousser les limites du visible pour des applications en biologie, en sciences de la terre et en bien d’autres domaines encore. Au cours du XXe siècle, ces techniques
d’imagerie trouvent de nombreuses applications en industrie et se retrouvent au coeur de procédés industriels. 

LA RÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE

Une autre étape importante est franchie à partir du milieu du XXe siècle lorsque les mesures sont numérisées : des traitements par ordinateurs viennent alors modifier et compléter les mesures avant d’obtenir des résultats sous forme d’images. Au début des années 1970, l’imagerie médicale par CAT-scan (Computer-assisted tomography) réussit à construire des images de l’intérieur du cerveau humain, localisant des tumeurs qui ne sont pas exposées à la vue (prix Nobel
de médecine en 1979)4 ! Les techniques mathématiques de tomographie sont appliquées et adaptées pour de nombreuses applications dans d’autres domaines, en particulier la sismologie, en prospection pétrogazière, en sciences des matériaux, en archéologie, en astronomie. Malgré des bases communes en physique et en mathématiques appliquées, malgré leurs succès, ces technologies de tomographie ont nécessité d’importants moyens pour leur mise en oeuvre et ont fourni généralement des solutions sur mesure pour des applications très spécifiques. 


AUJOURD’HUI ET DEMAIN


Portés par d’autres solutions techniques qui se sont introduites ces dernières années dans notre quotidien, les exemples de technologies d’imagerie foisonnent autour de nous. Un cabinet médical, une petite entreprise peuvent à présent intégrer dans leurs pratiques des technologies d’imagerie avancée pour réduire les temps  d’exécution et les coûts, mais aussi pour améliorer la qualité des procédés ou services. 
Certaines techniques d’imagerie sont devenues largement accessibles, se sont banalisées dans une majorité des secteurs de l’économie : cette extension des cas d’usage, rendue possible depuis une dizaine d’années par les développements des appareils de mesure et les techniques d’interprétation de données, est aujourd’hui relancée par les applications d’intelligence artificielle et la croissance exponentielle des objets connectés.

Et demain, quels nouveaux développements pouvons-nous anticiper ? Les limites des technologies de l’imagerie sont sans cesse repoussées par des améliorations de performances, par de nouvelles modalités d’imagerie, par des synergies avec d’autres techniques (par exemple scanner médical et imprimante 3D, ou appareils  d’imagerie embarqués par des robots ou dans des satellites), par de nouvelles techniques d’interprétation des données de type déterministe, statistiques ou d’intelligence artificielle5.
À un horizon moins voisin, l’utilisation d’effets quantiques repoussera encore plus loin les frontières de l’imagination et de l’imagerie, par exemple par des techniques de photographie quantique pour lesquelles un récent ouvrage mentionne “des photos 3D, dans le noir, derrière un mur”6,7.


ÉVOLUTION, ÉTAT DE L’ART ET PERSPECTIVES

Dans les articles du dossier, nous vous proposons des aperçus sur l’évolution, l’état de l’art, et les perspectives de développements, pour quelques cas concrets d’applications dans des domaines industriels représentatifs, tout en soulignant les synergies et échanges de savoir-faire entre domaines. L’article de Sylvain Cros (P04 DOCT.) nous emmène derrière les coulisses des prévisions météorologiques et attire notre attention sur le rôle des observations, garantes de la qualité des modèles de prévisions. Ces observations représentent une collection hétérogène de données parmi lesquelles le satellite a permis de compléter la rareté des stations météorologiques de notre planète. Un important travail de préparation des images satellites est nécessaire avant qu’elles ne soient utilisables pour des prévisions météorologiques. Nous apprenons que les méthodes de préparation, ou d’assimilation, des données utilisent des méthodes d’inversion déterministes qui dépendent toutefois d’ajustements interprétatifs.  Mais l’histoire de cette imagerie spatiale ne s’arrête pas aux prévisions météorologiques seules, car ces données étant accessibles de façon ouverte sont exploitées aussi pour d’autres applications scientifiques et industrielles par des acteurs divers, innovants et entreprenants. Élise Colin et Adrien Chan Hon Tong travaillent aussi sur des données d’observations terrestres collectées par des satellites, par des avions ou par des drones ; pour y détecter des objets d’intérêt, pour classifier de tels objets, ou encore pour estimer des paramètres décrivant les milieux naturels ou artificiels. 

Les auteurs font le point sur les techniques de Deep Learning (apprentissage profond) dans leur domaine et indiquent des applications pour lesquelles ces techniques sont déjà opérationnelles en industrie. Toutefois, les cas d’exception restent importants et motivent des recherches en cours, dont les auteurs présentent des exemples. Ces derniers soulignent qu’il est crucial de savoir si l’apprentissage d’un algorithme respecte ou non les lois de la physique. Ainsi, l’expérience acquise dans un domaine particulier deviendrait alors plus facilement transposable à d’autres domaines d’application de l’imagerie. Avec l’article de Catherine Borremans, nous découvrons les applications de l’imagerie à l’étude des océans, et en particulier le rôle des techniques modernes d’imagerie pour l’étude d’organismes qui n’ont jamais pu être étudiés jusqu’à présent en raison de leur petite taille et de la difficulté d’accès à leur habitat. Ces recherches avancées rejoignent ainsi une longue tradition d’utilisation de l’imagerie en sciences naturelles. Au-delà des exemples spécifiques, le contexte et l’enjeu sociétal de ces études de l’océan sont clairement indiqués à travers un aperçu de l’ensemble des activités d’Ifremer et de ses partenaires.

Hervé Chauris (P93) et Clément Kostov (P80) présentent les rouages et applications d’une technique d’imagerie qui permet de reconstituer les propriétés du sous-sol traversé par des ondes, par exemple des ondes acoustiques ou élastiques, sans avoir à effectuer des coupes ou sondages à travers ces volumes. Oui, de tels résultats sont analogues aux CAT-scans médicaux mentionnés ci-dessus. Mais le traitement des données est radicalement différent, la nouvelle
technique permettant des reconstitutions de propriétés physiques absolues dans un espace à trois dimensions avec une résolution de détails fins bien supérieure à celle du passé. Appliquée avec succès en sismologie et dans l’industrie pétrolière, cette technique continue à étendre son champ d’applications, notamment à l’imagerie médicale, tout en bénéficiant de recherches de plus en plus interdisciplinaires. Avec l’article de Ronan Le Bras (P76), nous restons dans le domaine de l’imagerie par ondes acoustiques, mais pour des applications de détections d’événements transitoires tels des séismes, des explosions nucléaires (heureusement très rares), des chutes de météores, des explosions volcaniques ou accidentelles, avec des exigences d’une image continue et globale fiable, obtenue dans un délai minimal. Notons que ce cahier des charges particulier conduit à des techniques novatrices de traitement des données à partir de statistiques bayésiennes et non gaussiennes, différentes des autres techniques de pointe mentionnées dans les articles précédents. Notons également que l’opération et l’exploitation d’un réseau de surveillance acoustique peuvent avoir de nombreuses applications en industrie. 

Enfin, l’article de Frédéric Bourcier et de Philippe Simon (P72) présente l’exemple de la start-up Lumetis, essaimée des laboratoires du CNES à Toulouse, qui possède un savoirfaire unique en imagerie par spectrophotométrie hyperspectrale et qui développe de nouvelles applications pour l’industrie spatiale, mais aussi pour l’analyse scientifique des oeuvres d’art et moyennant une maturation supplémentaire déjà planifiée, pour l’imagerie médicale. L’exposé détaillé d’un cas d’usage potentiel pour le secteur médical nous permet d’avoir une idée concrète des enjeux et défis présents sur le parcours de la start-up. Le parcours de Lumetis est bien sûr unique, mais il est aussi représentatif des transferts de connaissances entre domaines d’applications, et entre grands
organismes de recherche (tel le CNES) et des start-ups essaimées dans leur écosystème. Sur un sujet aussi vaste que “les applications des technologies
d’imagerie”, notre traitement est nécessairement limité et nous reconnaissons que des domaines tels que l’imagerie médicale ou les techniques d’identification biométrique mériteraient d’y revenir dans de prochaines publications.


1- Par exemple, l’encyclopédie Histoire Naturelle de Georges-Louis Leclerc
de Buffon, illustrations par Jacques de Sève – https://bit.ly/Mines519-i1
2- The History of Photomicrography, Normand Overney et Gregor Overney –
https://bit.ly/Mines519-i2
3- Pasteur et Koch : Un duel de géants dans le monde des microbes,
Annick Perrot et Maxime Schwartz, 2014, chez Odile Jacob
4- Fifty Years Ago, the First CT Scan Let Doctors See Inside a Living Skull,
Higgins, E. S., 2021 – https://bit.ly/Mines519-i4
5- Pour un aperçu non exhaustif mais représentatif du champ de recherches
actuelles en instrumentation et imagerie, voir par exemple le programme
du colloque C2i (Colloque Interdisciplinaire en Instrumentation) qui s’est tenu fin
janvier 2023 à l’Université Grenoble Alpes – https://bit.ly/Mines519-i6
6- Bobroff, J., 2022, Bienvenue dans la nouvelle révolution quantique, Flammarion
(p. 11, p. 253)
7- Larousserie, D., 2023, Une start-up compte sur les propriétés quantiques
pour révolutionner l’imagerie médicale, 13 février 2023, Le Monde – https://bit.ly/Mines519-i7

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