Dans l’écosystème que constitue l’entreprise, faire passer ses idées, ses projets, passe le plus souvent par la mise en œuvre d’une compétence spécifique : le sens politique.
Un sujet qui a bien intéressé les Mineurs & Mineuses qui se sont réuni le 13 décembre dernier pour écouter l’analyse faite par Olivier Pleplé et s’appuyant sur sa pratique professionnelle. Cet article est issu de cette conférence.
La notion de « sens politique » rejoint la longue liste des termes chargés d’ambiguïté. La raison en est qu’il s’agit là d’une compétence qui peut être perçue de façon négative ou positive en fonction de la façon dont elle va être mobilisée. C’est un peu comme en science : est-ce une bonne chose de maîtriser le génome humain ? Si cela permet de soigner les personnes atteintes de maladies génétiques oui, si c’est pour se livrer au clonage non.
Certains managers cherchent, avant toute chose, à servir leur intérêt personnel. Ils détectent ceux qui détiennent le pouvoir et cherchent inlassablement à les satisfaire. Dans cet exercice de séduction, ils sont plus ou moins habiles. Certains sont repérés facilement et peuvent être rejetés par le système, d’autres peuvent grimper assez haut dans la hiérarchie grâce à leur maîtrise parfaite des phénomènes de cour. Ces « managers politiques » passent leur temps à tirer les ficelles sans se soucier de l’intérêt général. C’est la mise en œuvre négative du sens politique.
Pour d’autres managers, c’est l’intérêt collectif qui prime. Ceux qui maîtrisent le sens politique vont l’utiliser à cette fin. Dans un premier temps, ils vont observer leur environnement : culture de l’entreprise, stratégie poursuivie, forces en présence et alliances, mécanismes de prise de décision… Puis, ils vont utiliser cette connaissance du terrain pour déterminer la bonne tactique à mettre en place pour faire passer leurs idées et les projets qu’ils portent. Il s’agit bien souvent de maîtriser leur communication : émettre les bons messages, au bon moment, à la bonne personne et de la bonne manière. Cette posture les amène à s’adapter en permanence au terrain sans rien renier de leurs valeurs et leurs principes, pour le bien de l’intérêt général. C’est la mise en œuvre positive du sens politique.
D’autres managers enfin n’ont pas de sens politique. Ils sont totalement dédiés à leur tâche. Ils n’aiment pas parler d’eux, ni de leur travail. Ce qui compte, c’est que le travail soit bien fait. Et globalement, ils font confiance à la hiérarchie pour suivre la qualité du travail accompli et bénéficier ainsi de la juste reconnaissance de leur action. Certains vivent repliés sur eux-mêmes ou sur le fonctionnement de leur équipe par crainte du monde extérieur et de ses jeux de pouvoir. D’autres restent à l’écart du jeu politique car ils ont grandi dans une culture où cela ne se faisait pas de se mettre dans la lumière et où tout jeu d’influence pouvait être perçu comme de la manipulation et les éloigner du vrai et de l’authentique.
L’environnement dans lequel nous nous sommes développés (familial, scolaire,…) n’est pas bien sûr le seul frein à l’expression de notre sens politique. Notre personnalité, en particulier notre sens relationnel, est bien sûr une composante-clef. Mais on peut également citer le rapport que nous avons à l’autorité, les cultures d’entreprises dans lesquelles nous avons baigné, les expériences vécues et les modèles, positifs ou négatifs, auxquels nous avons été confrontés. Les cultures géographiques ont également un impact : par exemple, le marketing de soi n’est pas naturel dans notre culture judéo-chrétienne alors qu’il fait partie intégrante de la culture anglo-saxonne.
Que l’on aime ou pas le sens politique, ce n’est pas la question. Il est présent dans tout système et à partir de deux personnes, c’est déjà un système. Il nous apprend à évoluer dans l’entreprise, un environnement où le relationnel, l’émotionnel, le subjectif et l’irrationnel ont une part importante. Un vrai challenge pour les ingénieurs et leur formation scientifique !
Alors, que faire pour améliorer son sens politique ? Il convient déjà d’évaluer où l’on se situe sur cette compétence et voir ce qui a pu constituer un frein dans son développement. L’étape suivante est de prendre davantage de temps pour observer comment fonctionnent les environnements dans lesquels on est. Puis, il faut élargir sa palette de communication en explorant des modes de communication qui sont inhabituels, par exemple la communication informelle (ce qu’on se dit en dehors des réunions), pour bien sûr bâtir le message adapté à chaque situation. D’une façon plus générale, développer son sens politique passe par s’exposer davantage : accepter de parler de soi et de son action, prendre de nouveaux enjeux, de nouveaux projets, tester de nouveaux comportements,… Enfin, faire bon usage des ressources externes : le supérieur hiérarchique, les pairs, un partenaire RH, un formateur, un coach ou un mentor dans l’action que l’on mène.
Le sens politique, c’est ce qui redonne de la marge de manœuvre dans les contraintes de l’environnement.
Olivier Pleplé
Associé
Atomos Conseil
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