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Carrières * Cadres intermédiaires : une clef de voûte en porte à faux

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25/04/2023

Une clef de voûte plus portante que portée
 

On sait comment fonctionne une voûte avec sa fameuse clef qui, une fois placée en son sommet, tient l’ensemble par un soudain et providentiel équilibre des forces exercées de part et d’autre.

Les managers intermédiaires, qui encadrent 70 % du personnel, sont incontestablement la clé de voûte de l’édifice-entreprise. 

Sans eux, la stratégie de la direction se trouverait sans relais pour que chaque employé la comprenne et s’engage dans les transformations, rendues notamment nécessaires par la numérisation et les réorganisations conséquentes au covid.

Sans eux, plus aucune proximité ni avec les collaborateurs, ni avec les clients.

Hélas, cette clef de voûte, que l’on retrouve au niveau des postes de cadres intermédiaires, se trouve souvent placée tellement en porte à faux qu’elle endure plus de pression qu’elle n’est portée.

On ne s’étonnera donc pas qu’ils soient tant sujets au burnout, puisqu’on leur en demande trop sans leur en donner les moyens : ils doivent diriger efficacement leurs secteurs mais sans avoir vraiment le pouvoir de décider, leur planning est mité par des réunions souvent peu concluantes, la pression des résultats visés et des délais s’exerce sans l’adéquate contrepartie en ressources.

À force de manquer de sens et de visibilité, cette clef de voûte positionnée en porte à faux pourrait bien flancher et faire s’effondrer toute la structure. 
Il est urgent de s’en préoccuper.

Redéfinir le juste encadrement
L’impact du Covid a brouillé les cartes de l’encadrement.
Les collaborateurs du manager intermédiaire, sortis fragilisés de la crise sanitaire, sont eux aussi en quête de cette reconnaissance dont on dit aujourd’hui qu’elle est due à tous, y compris aux moins qualifiés.

Quels sont dès lors les nouveaux contours d’un juste encadrement, qui guiderait et rectifierait, sans que cela soit vécu comme un feed-back toxique ou une pression insupportable, voire un harcelant abus de pouvoir ? Et comment gérer les conflits internes à son équipe ?

Les cadres intermédiaires sentiront leur rôle mieux reconnu si les RH leur donnent accès à des communautés au sein desquelles partager leur expérience : conférences, groupe de travail, contact avec la Direction, benchmark extérieur…

Par ailleurs, les méthodes et outils ne manquent pas pour les aider à prendre plus de recul et éviter l’épuisement : hiérarchiser leurs tâches selon la fameuse parabole des « gros cailloux » qu’il faut placer dans un vase avant le gravier, le sable et l’eau (car on ne pourra les y faire entrer en derniers), pratiquer la méthode « respirelax » pour mieux gérer leur stress, s’exercer à la recontextualisation pour trier rapidement parmi les infos et les sollicitations qui ne se valent pas toutes, se familiariser avec la psychologie positive pour ne plus se vivre comme quelqu’un qui subit… et ceci aussi bien dans la fonction publique que dans les entreprises du secteur privé.

Savoir manager, ça ne s’invente pas
Reconnaître les méritoires performances d’un expert revient le plus souvent à le promouvoir à un poste de manager ou chef de service : un titre valorisant, plus de responsabilités, une meilleure rémunération. Mais ce fruit n’est-il pas empoisonné ?

Cet expert va maintenant devoir déléguer bien de ses savoir-faire, son levier étant désormais moins la maîtrise technique que le facteur humain.

Cela sera d’autant plus déstabilisant qu’on ne l’aura pas vraiment formé aux fondamentaux du management contemporain, bien plus complexes que les seules « soft skills » : animer une réunion, mener un entretien d’évaluation, conduire un projet transverse, gérer les priorités, intervenir en mode agile, en mode hybride, tous ces savoir-être s’apprennent et se développent tout au long d’une carrière.

Une sérieuse formation à l’exercice du leadership est indispensable aux managers intermédiaires.

Pour ceux qui ne font finalement pas leur miel de devoir désormais mobiliser une équipe (des outils existent pour diagnostiquer une telle disposition afin d’éviter les erreurs de casting), la perte de leur expertise peut se révéler un prix trop cher à payer.

L’entreprise gagnerait à concevoir pour eux des filières d’experts développant et valorisant leur virtuosité et sa transmission aux générations suivantes.

 

Trop de hiérarchie tue la performance
Compte tenu que plus de la moitié du temps des cadres intermédiaires est consacré à la production et aux tâches administratives qui s’ensuivent, ils auraient besoin qu’on clarifie leurs attributions. Si on les associait mieux à la définition de la stratégie et, surtout, si on leur laissait davantage la bride sous le cou pour un véritable empowerment, ils s’adonneraient à une meilleure écoute de leur équipe, condition préalable à une bonne transmission des objectifs et à l’émergence de la créativité collective.

Certains dirigeants s’emploient déjà à ce qu’on ne les traite plus en exécutants mais bel et bien en précieux intégrateurs de la complexité : ils s’en félicitent car ils ont constaté un regain de la productivité et une fidélisation accrue de la clientèle.

Il ne suffit donc plus de dire que les managers intermédiaires sont la clef de voûte de l’entreprise, il est temps, pour qu’ils remplissent efficacement et sereinement ce rôle, qu’on cesse de les mettre en porte à faux, ce qui les coince dans un étau, au lieu de leur permettre de réussir leur mission cruciale : convertir les orientations stratégiques de l’entreprise, ainsi que les changements qu’elles induisent sans cesse, en pratiques renouvelées, bien comprises par des acteurs de terrain qu’ils auront su rassurer.

Comme ces cadres représentent 20 % de la population active, leur donner les moyens de s’épanouir professionnellement ou, pour le moins, de ne plus s’épuiser au travail, relève pour ainsi dire de la santé publique !

 

ETM - Avril 2023

 

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