[La Revue des Mines #513] TRANSGENE : INNOVATIONS THÉRAPEUTIQUES ET VIRUS CONTRE LE CANCER
Auteur : Ariane MANSOURI (P 1979 ICiv)
Les répercussions gigantesques de la pandémie Covid19 sur l'économie mondiale et sur la santé humaine ont placé sous les projecteurs les entreprises du secteur de la santé et plus particulièrement certaines biotech très innovantes.
Créée en 1979, Transgene est l’une des plus anciennes sociétés biotechnologiques européennes. Ses récentes avancées contre les cancers s’avèrent prometteuses. Cette réunion d’actualisation a été initiée en écho à la présentation Intermines Alsace consacrée en janvier 2014 à la découverte du monde passionnant des bio-techs, avec déjà Transgene en grand témoin. Transgene étant implantée à Illkirch-Graffenstaden et à Lyon, Intermines Alsace et Rhône Alpes se sont associés pour l’organisation et ont impliqué le club Mines Santé. Les élèves du département Santé et du double diplôme Pharmacie de Mines Saint-Étienne étaient également invités. Hedi Ben Brahim (X99 CM02), nouveau PDG de Transgène, a accueilli Intermines à Illkirch-Graffenstaden le 10 mai 2021. Grâce à lui, nous avons l’occasion de plonger dans un univers peu familier de bon nombre d’alumni. Une soixantaine de participants ont assisté en distanciel à cette présentation captivante. Leurs questions parfois très pointues, sur les techniques de production ou l’apport de l’intelligence artificielle, ont souligné la pertinence et l’actualité de cette thématique biotech.
D’après une étude de Pharmaprojects de janvier 2021, le secteur continue de croître : il compte plus de 18 000 produits en développement dans le monde (trois fois plus qu’en 2000), et plus de 5 000 entreprises de R&D pharmaceutique. Les États-Unis se taillent la part du lion, avec environ la moitié des acteurs. L’Europe est loin derrière : 301 entreprises au Royaume-Uni, 168 en France et 138 en Allemagne, pour citer les 3 principaux pays. Le nombre d’entreprises chinoises a pour sa part crû de 23 % en un an, pour compter aujourd’hui 522.
Dans ce paysage relativement concentré, les deux plus grosses cibles sont les thérapies anti cancéreuses pour 22 % et l’anti-infectieux pour 24 %, le reste se répartissant entre des pathologies très diverses. Les nouvelles substances actives mises sur le marché en 2020 l’ont été aux USA pour 44 %, au Japon pour 15 %, les autres pays représentant au mieux quelques points (1 % pour la France).
TRANSGENE, SPÉCIALISTE DES TRAITEMENTS DU CANCER
En 2012, on comptait 14 millions de nouveaux cas de cancers par an dans le monde. On peut estimer qu’il y a aujourd’hui environ 20 millions de nouveaux patients par an, et autant de décès.
L’utilisation du système immunitaire pour combattre le cancer est une avancée relativement récente, pour laquelle James P. Allison et Tasuko Honjo ont reçu un prix Nobel en 2018. En 2017, pour la première fois, deux médicaments basés sur l’immunothérapie ont été approuvés par la FDA pour le marché américain : d’une part l’anti-corps Nivolumab, destiné au cancer de la vessie ; d’autre part l’anticorps Avelumab, pour une forme rare mais particulièrement agressive de cancer de la peau, le carcinome à cellules de Merkel.
Transgene emploie aujourd’hui 150 personnes, dont 140 à Illkirch-Graffenstaden près de Strasbourg et une dizaine à Lyon. Leur unité de fabrication permet de produire des lots au stade clinique. Le groupe Mérieux est actionnaire pour plus de 60 % et l’entreprise est cotée sur Euronext Paris. Leurs produits sont au stade d’essais cliniques en Europe et aux États-Unis, grâce à des partenariats avec de grandes sociétés pharmaceutiques et avec les principaux centres de recherche contre le cancer : la Mayo Clinic, l’Institut Curie et l’Institut Gustave Roussy entre autres. Transgene possède 160 brevets actifs. L’entreprise maîtrise toutes les étapes du développement d’un produit thérapeutique : la sélection et la conception de vecteurs viraux, capables de diffuser le traitement au cœur de la tumeur, la maîtrise de la sécurité thérapeutique, la capacité d’individualiser le traitement pour l’adapter à chaque patient, la capacité de démontrer une réponse immunitaire et de conduire des essais cliniques jusqu’à la preuve du concept.
LES VIRUS DEVELOPPÉS POUR SOIGNER
Transgene développe deux plateformes en parallèle – myvac et Invir.IO – qui reposent toutes deux sur l’utilisation d’un virus pour soigner. Les vaccins thérapeutiques stimulent et éduquent le système immunitaire pour qu’il attaque le cancer : les virus oncolytiques se multiplient sélectivement dans les cellules cancéreuses, les détruisant sans affecter les cellules saines. Plusieurs “candidats thérapeutiques” issus de ces deux plateformes sont au stade d’essais cliniques.
En particulier, TG4050 est destiné au cancer de l’ovaire et au cancer de la tête et du cou (cancer ORL). Une biopsie est prélevée chez le patient, un décodage génétique est effectué pour identifier les mutations par rapport à une cellule saine. Grâce à une collaboration avec l’entreprise japonaise NEC, une sélection des 30 mutations les plus significatives est effectuée par un outil d’intelligence artificielle. Les antigènes correspondants sont codés dans le vecteur viral qui sera injecté au patient. Le système immunitaire du patient sera donc entraîné contre ces antigènes et pourra attaquer ensuite les cellules porteuses de ces mêmes antigènes.
DES MOYENS IMPORTANTS ET DES COLLABORATIONS
La production est coûteuse, du fait de la personnalisation pour chaque patient, les contrôles qualité étant aussi lourds pour un patient individuel que pour un lot destiné à un millier de patients. Les premiers résultats sont attendus pour fin 2021. Le concurrent le plus connu est Moderna, qui teste également un produit personnalisé basé sur l’ARN.
D’autres produits sont également en cours de tests cliniques. TG4001, par exemple, cible les cancers ano-génitaux causés par la souche de papillomavirus HPV16. Là aussi, le vecteur viral éduque le système immunitaire à reconnaître des marqueurs typiques des cellules infectées. L’essai clinique en cours de lancement traitera 140 patients, grâce à une collaboration avec Merck et Pfizer.
Il faut savoir que le coût d’un essai clinique en oncologie est de l’ordre de 100 000 euros par patient. Les résultats sont attendus pour la fin 2022.
La plateforme Invir.IO repose sur un virus breveté, dérivé du virus de la vaccine, qui a démontré sa sécurité dans plusieurs applications et peut être rapidement développé de la conception du produit à l’entrée en phase clinique. Une collaboration est en cours avec le groupe AstraZeneca.
DES PRÉOCCUPATIONS RSE
Parallèlement à ces développements prometteurs, Transgene s’inscrit dans une démarche de développement durable, comme en témoignent différents indicateurs, tels l’index d’égalité professionnelle en progression, l’inclusion systématique de critères RSE dans les objectifs individuels, ou le nombre d’heures de formation.
Finalement, la pandémie Covid19 aura incontestablement impulsé une accélération à la longue course aux progrès médicaux. Les capitaux affluent de nouveau vers les sociétés les plus innovantes. Cotée en Bourse, Transgene en fait partie et d’ailleurs recrute. La biotech continue d’innover contre le cancer, avec une approche personnalisée désormais permise grâce à l’intelligence artificielle. Les prochains jalons des développements prometteurs de Transgene sont évidemment attendus avec impatience, et Intermines Alsace vous donne rendez-vous dans quelques mois pour tirer un bilan de toutes ces actions prometteuses .
ARIANE MANSOURI (P79), consultante, AMC Biotech – ariane.mansouri@mines-paris.org
HEDI BEN BRAHIM (X99 CM02) est le PDG de Transgene depuis le 1er janvier 2021. Il a rejoint Transgene après avoir été directeur opérationnel du pôle immunothérapie au sein de l’Institut Mérieux depuis septembre 2018.
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