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“CHAQUE EXPÉRIENCE EST UN CHALLENGE RENOUVELÉ”

Revue des Ingénieurs

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17/11/2020

Auteur : Jean-Frédéric COLLET (N 1968 ICiv)

De responsable d’atelier de maintenance jusqu’à la direction de l’ensemble des bus et tramways, en passant par de nombreuses missions à l’international, Patrice Lovisa profite depuis 30 années des parcours riches que propose la RATP.

PATRICE LOVISA (P85) – PATRICE.LOVISA@MINES-PARIS.ORG

DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT RÉSEAU DE SURFACE DE LA RATP


Quelles en ont été les étapes marquantes de ton parcours professionnel ? Quels sont les moments charnières de ta carrière ?

Même si je n’étais pas prédestiné à travailler à la RATP, mes premières aspirations tournaient autour du service aux autres. Je suis entré à la RATP en 1990, qui est aujourd’hui le quatrième opérateur de transport urbain dans le monde et l’opérateur historique en Île-de-France. Ce groupe singulier m’a donné la possibilité d’évoluer dans un parcours diversifié et j’y suis très heureux.

J’ai débuté mon expérience professionnelle dans la maintenance des bus dans des postes de responsable d’atelier de maintenance, fonction au carrefour de la technique et du management particulièrement enrichissante et humaine. Les mises en place successives des certifications de maintenance, la rigueur et la maîtrise de l’activité sont au cœur des préoccupations. J’ai souhaité pour- suivre mon parcours dans le domaine de l’exploitation des bus en occupant successivement les postes de responsable transport puis de directeur d’un centre-bus. À nouveau, le management des femmes et des hommes, la technique du transport, le dialogue social, la gestion économique furent des fers de lance de cette période. J’avais ensuite ressenti le besoin de développer des compétences élargies sur des activités un peu moins opérationnelles et plus transversales. C’est pourquoi j’ai pris la direction d’une unité chargée de la gestion des opérateurs de l’entreprise à la direction des ressources humaines. C’était pour moi un nouveau défi professionnel : pour la première fois, j’ai pu conduire des négociations transversales à l’entreprise avec les organisations syndicales, sur une pluralité de sujets tels que l’évolution de caractéristiques métiers des opérateurs ou leurs évolutions de carrière, en intégrant notamment par exemple la notion de mérite en lieu et place de mécanismes d’avancement automatique.

J’ai prolongé cette expérience en prenant la direction des ressources humaines du département de la maintenance des espaces et des équipements (équipements de vente et de contrôle, équipements translateurs, funiculaire, maintenance bâtiments…) nouvellement créé, pour ensuite prendre la direction même du département. Chacune de ces expériences est un challenge renouvelé. Nous avions collectivement comme premier défi le fait de regrouper des équipes en provenance de trois départements différents et dont les métiers n’avaient aucune culture commune : l’informatique industrielle, l’électromécanique et le bâtiment et génie civil. En outre, pour la première fois, nous sommes allés chercher de nouveaux marchés extérieurs à l’entreprise. Nous avions gagné à cette occasion le marché de maintenance des escaliers mécaniques et des ascenseurs de l’aéroport d’Orly et ceux du Printemps. Nous avons aussi, à cette occasion, créé une filiale ad hoc en partenariat pour développer ce type de marchés, qui depuis a poursuivi son développement.

Je suis aujourd’hui à la tête du département d’exploitation des bus et des tramways, grand par sa taille compte tenu du nombre très important de conducteurs (16 000) et intégrant tout récemment la direction de la maintenance des bus, nouvelle étape de transformation par la fusion des compétences et des cultures des exploitants et des mainteneurs.

Les parcours au sein de la RATP sont d’autant plus riches que j’ai également eu la possibilité de faire de nombreuses missions à l’international, de plus ou moins longue durée, et ce tout au long de mon parcours. Par exemple, au tout début de ma carrière, j’ai fait une mission de diagnostic de la maintenance des bus à Erevan en Arménie, ou comme en ce moment à Riyad dans le cadre de la mise en service prochaine d’un réseau complet de transport par bus dans toute la ville, pour ne citer que quelques exemples personnels. Des opportunités toujours plus nombreuses s’offrent à nos collaborateurs en France comme à l’étranger dans le cadre du développement de nos activités, sur l’ensemble des modes de transport mais aussi que ce soit en matière d’exploitation, de maintenance ou d’ingénierie, et il y a de quoi faire !

Tu es actuellement, et depuis 9 années, directeur du Département Réseau de Surface, le plus important de la RATP  par ses effectifs. Comment se déroule – sauf imprévu – la journée-type du patron d’un gros département opérationnel ?

Il faut malgré tout avoir en tête que travailler dans un monde d’exploitation, quel que soit le niveau de responsabilité occupé, l’imprévu a toute sa place dans l’emploi du temps. C’est une composante normale de l’activité et il faut savoir faire face avec sérénité dès lors que cela se produit. Aucune journée ne ressemble à une autre.

Le département Bus est composé de 16 unités opérationnelles et 8 entités tramway. Je m’efforce de passer régulièrement du temps sur le terrain en contact avec les équipes, afin de partager leurs préoccupations, apporter des réponses à leurs questions, soutenir leurs actions et donner du sens à nos différents projets, au sein du département comme du groupe.

Le dialogue social avec les équipes comme avec les organisations syndicales est un temps important dans les activités de direction. Cela se concrétise régulièrement par la tenue d’audiences, de concertations ou de négociations, qui sont des moments intenses et passionnants. Être directeur de département, c’est aussi impulser une dynamique forte de recherche permanente d’efficacité et de meilleure réponse aux attentes de nos voyageurs, dans une entreprise où l’humain est un moteur extraordinaire de progrès. Cela se traduit par des séquences de travail en groupe, de revues d’indicateurs, de bilans et d’établissement de business plans.

Une grande partie de mon emploi du temps est égale- ment consacrée au pilotage de grands programmes de transformation du réseau de surface couvrant des sujets tels que l’évolution des systèmes d’information, le développement de l’expérience client, la transition énergétique ou l’innovation, comme en ce moment avec le développement du bus ou du tramway autonomes qui sont de très belles réalisations de la RATP en partenariat avec des industriels reconnus.

Quel est, dans ses grandes  lignes,  le rôle “sociétal” d’une grande entreprise de services comme la RATP ? Incivilités, lutte contre la fraude, prise en compte des personnes à besoins spécifiques, accompagnement de l’aménagement du territoire, politique de la ville…

Le rôle sociétal est déjà pleinement incarné par le fait d’assurer un transport public. Il n’y a pas meilleure réponse écologique et durable dans des villes ou secteurs géographiques à forte densité de population. La transition énergétique est également une réponse sans précédent de la part de la RATP : d’ici 2025, l’ensemble de la flotte de bus et nos centres bus seront convertis au biogaz ou à l’électrique. Sacré challenge technique dans un délai aussi court, et nous sommes les seuls à le faire !

Nous jouons également notre rôle sociétal dans le cadre du recrutement. À la fois par un effet volume, avec plus de 4 500 recrutements à l’année au sein du groupe, mais aussi avec la possibilité offerte d’entrer dans notre entre- prise à tout niveau, que ce soit par exemple sans qualification comme conducteur de bus, en alternance ou même directement sur des postes à haute responsabilité au sein de nos directions ou de nos projets.

Nous travaillons régulièrement avec toutes les parties prenantes, autorités organisatrices, collectivités locales, associations d’usagers, associations de quartier, autres opérateurs en France et dans le monde, pour toujours mieux appréhender et répondre aux préoccupations de nos voyageurs sur le service rendu.

Dans le domaine de l’accessibilité nos flottes de véhicules sont équipées d’une palette automatique pour les personnes en fauteuil roulant, et avons une politique de la ville proactive sur ce sujet afin d’encourager les collectivités à aménager leurs points d’arrêt ou plus généralement les déplacements dans la ville.

L’aménagement du territoire est une compétence forte et reconnue de la RATP. Nous produisons régulièrement du conseil et des études à disposition des collectivités que ce soit dans le cadre de nos projets de prolongements de lignes de tramway ou de métro, ou à une échelle plus réduite au sein d’un quartier ou dans le cadre d’une recherche de fluidification du trafic. Nous conduisons des projets de refonte de gares routières, de reconstruction de sites industriels associée à l’implantation en complément de logements ou de commerces. La lutte contre la fraude reste un enjeu primordial pour tout opérateur transport et autorité organisatrice.

Quel est le calendrier et l’enjeu de l’ouverture à la concurrence ?

L’ouverture à la concurrence sera effective sur le réseau de bus au 1er janvier 2025, et sur le réseau de tramway au 1er janvier 2030, enjeu à la fois économique, de qualité de service et de sécurité. À l’aube de cette mise en concurrence, tous les grands opérateurs auront vraisemblable- ment une fourchette de prix assez serrée, et c’est avant tout sur le service rendu à nos voyageurs ou la responsabilité sociétale que se jouera la mise en concurrence. On peut d’ores et déjà affirmer que l’accueil des voyageurs par nos équipes sur le terrain, la qualité de nos espaces, la facilité de déplacement ou la proactivité dans l’accompagnement de nos voyageurs, seront autant d’atouts appréciés.

Toutes nos unités opérationnelles vont devoir se trans- former en filiales, et cette transformation est en cours de discussions sur des sujets tels que le transfert du personnel ou le cadre social spécifique au secteur dense parisien appelé Cadre Social Territorialisé.

Avec la crise sanitaire de 2020, on imagine que la RATP a dû s’adapter, être réactive : reconfiguration de l’offre de transport, affectation du personnel, interactions avec Île-de-France Mobilités et les pouvoirs publics, etc.

La crise sanitaire a démontré à quel point nos personnels se sont mobilisés pour assurer un service continu de transport dans cette période de remise en question des déplacements, et il faut savoir les remercier comme toutes celles et tous ceux qui ont assuré des services aussi essentiels pour notre quotidien.

De manière très réactive, souvent du jour au lendemain, les équipes ont su adapter l’offre pour répondre aux besoins spécifiques. C’est notamment l’exemple des navettes APHP que nous avons déployées en grand nombre pour aider les personnels soignants à rejoindre leur lieu de travail en toute sécurité pendant cette crise. Cette évolution régulière de l’offre de transport a été le fruit d’un travail collaboratif très soutenu avec Île-de- France Mobilités et les pouvoirs publics, afin de déployer toutes les solutions propres à garantir des conditions d’accès sécuritaires pour nos passagers. Cela a bien sûr nécessité, de la part de nos équipes en soutien et de nos managers, une disponibilité sans précédent pour adapter l’offre, informer les voyageurs comme les salariés, assurer un dialogue social continu, mettre en place les barrières sanitaires et les nouvelles signalétiques, et mettre à dis- position les moyens de protection individuelle tels que masques ou gels hydroalcooliques.

Cela a aussi été l’occasion pour la première fois pour un transporteur français de développer avec l’un de nos fournisseurs une méthode de nébulisation afin d’assurer une désinfection particulièrement efficace de l’ensemble de notre flotte de véhicules tous modes.

Le 17 octobre,  nous  sommes  partis pour 4 semaines minimum de couvre- feu. Comment la RATP adapte-t-elle son offre ?

Dans l’immédiat [NDLR : interview mise à jour au 19 octobre], l’offre n’a pas été modifiée. Une modification de l’offre est une décision exclusivement du ressort de l’autorité organisatrice IDFM qui a pour l’heure décidé d’observer les taux d’utilisation des transports sur chacun des modes avant toute décision. 

 

Entretien réalisé par Jean-Frédéric Collet (N68) – jean-frederic.collet@mines-nancy.org

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