Angle RH : Coup de projecteur sur l'accord de performance collective
Votre entreprise cherche à se réorganiser ?
Elle fait face ou non à des difficultés économiques et cherche des solutions, à modifier l’organisation du travail, revoir la politique salariale et/ou favoriser une plus grande mobilité professionnelle. Ces différentes situations sont des occasions de réflexion sur la mise en place d’un ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE.[1]
Qu’est-ce qu’un ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE ?
Il s’agit d’un dispositif créé par les Ordonnances Macron en 2017 et entré en application au 1er janvier 2018.[2]
Cet outil a eu du mal à trouver sa place dans le paysage juridique mais l’année 2020 l’a mis sur le devant de la scène.
Outil de flexibilisation, il permet aux entreprises de déroger à certaines dispositions conventionnelles.
Il peut être conclu quel que soit l’effectif de l’entreprise.
Il n’est pas nécessaire que l’entreprise connaisse des difficultés économiques. Aucune étude préalable de diagnostic n’est requise avant sa mise en place.
Que permet cet accord ?
L’ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE admet de réviser les dispositions sociales pour les 3 thèmes suivants.
- Aménagement de la durée du travail, des modalités d’organisation et de répartition
- Aménagement de la rémunération dans la limite des minima conventionnels
- Déterminer les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Le ministère du Travail a souligné l'illégalité de clauses qui sortiraient des domaines énumérés par la loi. Par exemple, proposer une modification à la baisse des indemnités conventionnelles de licenciement ; modifier les durées de préavis.
Par ailleurs, en cas de déménagement de l’entreprise, entrainant des modifications de contrats de travail, le Ministère a précisé « qu’un ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE ne peut pas se substituer au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui doit être lancé dans ce cas. » |
L’employeur peut donc modifier le contrat de travail des salariés à l’aide d’un accord collectif conclu pour une durée indéterminée ou déterminée. La durée maximale de l’accord en cas de durée déterminée est de 5 ans. Il est donc possible de négocier pour une durée plus courte (exemple : suspension du versement des bonus au titre d’une année)
Un ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE a vocation à permettre à l’entreprise de s’adapter plus facilement aux variations de l’activité et ainsi de « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ».
Exemples de révisions de dispositions - supprimer une indemnité forfaitaire de repas : OUI - suppression des bonus : OUI - suppression des congés d’ancienneté : OUI - supprimer 3 jours de congés payés : NON, les 5 semaines légales de congés payés sont garanties - gel des primes d’ancienneté - augmentation du nombre de jours de travail d’une convention de forfait en jours. OUI.
NB L’employeur, devra s’assurer, dans tous les cas, que la charge de travail des salariés ayant accepté la modification reste raisonnable… au risque d’engager sa responsabilité en matière de santé et de sécurité. |
En parallèle des efforts consentis par les salariés, les cadres dirigeants et les mandataires sociaux ainsi que les actionnaires devront aussi faire des efforts.
A titre d’exemple, les parties signataires peuvent convenir d'un effort fourni par :
- une diminution de la rémunération des dirigeants cumulant un mandat social et un contrat de travail
- un gel des dividendes pour les mandataires sociaux et les actionnaires.
Le contenu de l’ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE
La validité de l’accord ne repose pas sur l’existence de clauses obligatoires.
C’est en effet la singularité de cet outil. L’accord définit ses objectifs dans son préambule et il énonce quatre clauses facultatives:
- les efforts des dirigeants salariés, des mandataires sociaux et des actionnaires, proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de l’accord ;
- les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
- les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
- les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que l’abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal supplétif.
Même si la formalisation n’est pas obligatoire, elle est fortement recommandée. S’il offre une grande souplesse, l’ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE nécessite un consensus. Il sera donc opportun pour les partenaires à la négociation quels qu’ils soient d’échanger, d’expliquer le pourquoi du projet, y compris lorsque l’employeur propose seul son projet, de rappeler la stratégie, le sens des actions, les enjeux afin de renforcer l’engagement du capital humain que constitue les collaborateurs pour gagner en performance collective.
Les conséquences pour les salariés?
Les clauses mentionnées dans l’accord ont vocation à s’appliquer auprès des salariés sauf pour celles et ceux qui refusent la modification de leur contrat.
Les modifications actées dans l’accord s’appliqueront
Ex : suppression du 13ème mois pour les 3 prochaines années.
Ex : augmentation du temps de travail en limitant la majoration des heures supplémentaires au minimum légal
Pour les salariés qui refusent la modification, ce refus doit être exprès et il doit intervenir dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle l’employeur informe les salariés de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que de leur droit de l’accepter ou de le refuser.
Dans ce cas, le contrat de travail sera rompu; le refus d’accepter la modification constituant un motif ad hoc de licenciement.
Il ne s’agit pas d’un licenciement économique. « Le salarié dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l'existence et du contenu de l'accord, ainsi que du droit de chacun d'eux d'accepter ou de refuser l'application à son contrat de travail de cet accord".
– Le fait de refuser la modification du contrat de travail issu de l’ACCORD DE PERFORMANCE OLLECTIVE est un motif de licenciement « sui generis » . Les salariés ne commettent pas de faute en refusant la modification de leur contrat.
– Les salariés licenciés bénéficient de l’indemnité de licenciement en fonction de leur ancienneté et d’un abondement minimum légal de 3 000 euros sur leur compte personnel de formation (CPF).
L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus des salariés pour engager la procédure de licenciement.
A quel niveau peut être conclu cet accord ?
L’accord peut être conclu au niveau de l’entreprise, de l’établissement voire du groupe.
Comment mettre en place un ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE ?
Les modalités de formalisation de l’accord seront différentes selon l’effectif de l’entreprise et la présence ou non de représentants du personnel.
S’il y a une présence syndicale[3], l’employeur devra négocier et signer avec le ou les Délégués Syndicaux. Si les syndicats signataires représentent 30% des voix lors des dernières élections, l’accord ne pourra s’appliquer qu’après approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
S’il n’y a pas section syndicale, l’employeur pourra être en place l’accord en respectant les prescriptions suivantes :
- L’entreprise inférieure à 11 salariés : L'employeur soumet son projet d'accord à la consultation des salariés. Il est validé s'il est approuvé par la majorité des 2/3 des salariés.
- L’entreprise a un effectif compris entre 11 et 49 salariés: l'employeur négocie avec un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de la branche de l'entreprise ou au niveau national et interprofessionnel ou un ou des membres élus du CSE (Comité Social et Economique).
Toutefois, si l’entreprise a un effectif compris entre 11 et 20 salariés et qu’il n’y a pas de CSE, l'employeur soumet son projet d'accord à la consultation des salariés. Le projet est validé s'il est approuvé par la majorité des 2/3 des salariés.
- L’entreprise à un effectif de 50 salariés en +: L’accord est négocié entre l'employeur et des membres élus du CSE. Toutefois, ceux-ci doivent être mandatés par un ou plusieurs syndicats de la branche de l'entreprise ou au niveau national et interprofessionnel. L'accord est validé s'il est approuvé par la majorité des membres du CSE.
Quelques rappels :
Les signataires ne peuvent pas utiliser l’par ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE pour déroger à des thématiques prévues dans la convention collective autre que celles mentionnées de manière limitative ci-dessus.
Les signataires auront vocation à reprendre et à consulter au préalable les accords précédemment conclus (par exemple : temps de travail, salaire, QVT (Qualité de Vie au Travail), égalité professionnelle, GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences…).
Quels seront les enjeux de la négociation ?
Les points suivants pourront faire l’objet de discussion et d’une formalisation.
- Quels sont les efforts demandés aux dirigeants salariés, aux mandataires sociaux et aux actionnaires : efforts qui auront vocation à être proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute la durée de l’accord ».
- S’interroger sur la durée de l’accord. Ce dernier peut être soit à durée déterminée soit à durée indéterminée. Il est possible de prévoir que certaines mesures sont à durée déterminée dans un accord à durée indéterminée.
- Conditions d’informations du contenu de l’accord auprès des salariés
- Prévoir des modalités d’abondement du CPF et des modalités d’accompagnement (actions de formation, VAE (Validation des Acquis de l’Expérience), soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités…).
- Prévoir le suivi de l’accord par les signataires, et son ROI (Retour sur Investissement)
- En fonction du contexte, une clause « retour à meilleure fortune » pour permettre l’anticipation du terme de l’ACCORD DE PERFORMANCE COLLECTIVE
- Rappeler qu’ au terme de l’accord, les salariés retrouvent les modalités antérieures de leur contrat de travail
- Certains accords mentionnent des contreparties, telles que des garanties en matière d'emploi ou d'investissements dans l'entreprise.
Bien évidemment, d’autres points peuvent être abordés : par exemple, la formation des collaborateurs acceptant l’accord, notamment en cas de mobilité professionnelle, des engagements en termes de transmission de l’expérience* (mentorat ; tutorat) du mécénat de compétences, dispositif pouvant permettre de donner du sens à l’action des salariés volontaires.
Isabelle Dezaniaux - DRH
Pour en savoir plus[4]
[1] accord de performance collective
[2] L.2254-2 du code du travail
[3] présence d’au moins un délégué syndical
[4] https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dgt_qr_apc_juillet_2020.pdf

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